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La vilaine guerre est terminée et, avec elle, sonne le glas, pour « ceux qui y sont restés, enfouis sous la glaise, éclatés, déchiquetés ». Il en est qui reviennent (heureusement !) jamais indemnes, marqués au plus profond de leur chair comme dans leur tête ; certains sont des gueules cassées. Les blessures seront ineffaçables. Pour les pessimistes, commence alors un reste d’une vie sans perspective, à traîner, malgré ce que d’aucuns nomment la « chance » de s’en être tiré, d’en être revenu. Pour les plus optimistes, les plus résilients, c’est toute une existence à rebâtir. Il faudra sortir d’un long cauchemar pour sauter dans la vie en marche. Et puis, il y a aussi celles et ceux qui ont attendu un improbable retour, celles et ceux qui n’ont pas accepté, refusé la mort d’un proche.
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C’est un déni pour tenter d’adoucir son existence, même si personne n’est dupe.
Un retour inespéré, tant espéré, est un cadeau du ciel. Justine sait bien que son Louis ne reviendra pas. Elle a reçu, voici quelques jours, le document officiel lui annonçant la terrible nouvelle.
Un jour, lendemain de guerre, c’est Léonce et son ami Alphonse, frère d’armes, qui se présentent à sa porte. Il est bien arrangé, le Louis ! Il va falloir le soigner, le réparer, et en vitesse ! Et il n’est guère bavard. Forcément, avec sa mâchoire, juste quelques mouvements, quelques signes, des battements de paupières pour s’exprimer.
Justine, patiente, attentive, va tout tenter pour que son Louis aille mieux, se sente à nouveau bien chez lui. Elle suscite l’admiration, au village. Ce soldat-là, ce sera donc Louis et non Léonce.
Le temps passe, dans ce cadre désolé d’un après-guerre meusien, toujours en première ligne, dans le Verdunois. On dit qu’il arrange bien des choses. Dans la ferme de Justine, la vie reprend aussi, peu à peu. Des réparations, forcément lentes, se produisent ; des changements s’amorcent, mais la situation surréaliste persiste et s’entérine, au point que Léonce et Louis se fondent peu à peu en une seule et même personne pour tout le monde .
Quelques années passent, mais l’incertitude demeure. Que va dire et, surtout, faire Léonce (Louis ?) à présent réparé, rebâti et solide comme un roc ? Et Justine, dans tout cela ?
Au fil du roman, ces questions reviennent ; d’autres surgissent même. On attend au moins une réponse. Et l’on suit les personnages, on observe leurs gestes, on écoute leurs conversations dans un parler fleurant bon la campagne.
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