L'ARME DU CRIME
Adèle en a assez. Trois séjours à l’hôpital, un bras cassé, des dents fracassées… À chaque fois, Arthur est resté à ses côtés, en bon mari amoureux.
Mais c’était juste pour s’assurer qu’elle ne porterait pas plainte.
Aujourd’hui, c’est la fois de trop. Il l’a violemment giflée pour ne pas lui avoir apporté sa bière en rentrant du travail. Elle a essayé de protester :
— Il n’y en a plus au réfrigérateur et je n’avais pas d’argent pour faire les courses.
— J’en ai rapporté deux packs. Ils sont au sous-sol, à côté du congélateur. Hé bien, vas-y, faut que je te porte ?
Elle descend, comme un automate. Sans le vouloir, il vient de lui donner une idée. Une idée terrible. Mais qui pourra la libérer.
Elle remonte en tenant l’arme à deux mains. Il ne se retourne pas, il regarde son match.
Elle frappe. Deux fois, trois peut-être.
Elle appelle la police.
— Allo ? Je viens de trouver mon mari… mort… J’entends du bruit dans son bureau !
— Enfermez-vous à double tour. Nous arrivons !
Les policiers arrivent et cherchent l’arme du crime, mais en vain.
Adèle est dans la cuisine. Elle surveille le repas dans le four.
Elle raconte.
La gifle, la descente à la cave.
La découverte macabre lorsqu’elle remonte.
La bouteille de bière qui éclate sur le sol du salon.
Elle qui appelle la police.
Les policiers sont perplexes.
Impossible, même pour leur spécialiste d’identifier l’arme.
Il est vingt-deux heures passées. Ils ont tous faim.
Adèle leur propose de manger le rôti.
Au moins, il ne sera pas perdu.
Et c’est ainsi que le rôti qu’elle a retiré du congélateur, le rôti avec lequel elle a défoncé le crâne d’Arthur, en trois mots l’arme du crime, disparait à jamais dans l’estomac des policiers.