HISTOIRE À LA "CON"
Les cheveux en bataille, les yeux encore gonflés de sommeil, il sort de la chambre en râlant « C'est quoi ce bordel ? Va voir ce qu'il se passe » me dit-il.
Comme une idiote que je suis, je condescends à me rendre en bas de la rue, bien que je ne me sente pas concernée par les histoires des gens du village.
Ils sont là, bêtement concentrés en un groupe compact, devant la fontaine.
Je me mêle à la conjonction de voix, de couleurs, d'odeurs, et me fraie un chemin parmi ces concitoyens que je connais à peine. Mon regard se pose soudain sur un personnage à demi-nu, ruisselant, sous le jet d'eau, qui toise la foule d'un air concupiscent. « Il doit être congelé », me dit ma voisine callipyge sur un ton de confesse, le visage inexpressif et la ceinture du jean très, très basse; « Le pauvre, il paraît qu'il souffre d'une tare congénitale » ajoute-t-elle. Elle se penche pour me confier d'autres inepties, certainement, je profite d'un instant de confusion proche de la bousculade pour m'éloigner. Je tente de me confondre parmi tous ces visages ahuris, qui me voient à peine, consentant péniblement à me laisser passer.
La voix du confabulateur s'élève soudain de son perchoir aquatique, surprenant ses congénères, et le voilà qui offre à son auditoire improvisé un concert de vocalises plus que décousues, qui se confondent peu à peu aux murmures de la foule qui enflent de plus en plus.
Cette cacophonie me conforte dans ma décision de rentrer chez moi en laissant tous ces condisciples à leur délire, j'ai le sentiment de quitter une concélébration à une divinité dépenaillée.
À peine rentrée, mon conjoint, vautré dans le fauteuil, me demande « Alors ? ». Alors, comment lui expliquer, à ce con, qu'il ferait mieux d'aller rejoindre ses confrères pour participer au concours du plus déjanté, avec une congestion en premier prix, car il ne fait pas plus de 5°.
Comment ai-je pu consentir à louer cette maison dans ce trou paumé parce qu'il y avait ses potes ?
Et c'est non sans peine que je parviens à convaincre mon concubin de faire ses valises et de rentrer chez sa mère, pour que je me prépare à un long, très long confinement, sans lui pour toujours!!

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