Laroque denis8 fantaisie 22025

Et c'est celle de...
Denys de Jovilliers

PHOTO SOUVENIR

Le soleil était déjà haut. Heureusement, la petite voiture de location était garée à l’ombre d’un mûrier. Accès fébrile aux paramétrages de navigation, réinitialisations multiples, lectures compulsives d’un mode d’emploi incompréhensible, grognements sourds … main vengeresse qui heurte le volant. Il avait perdu la partie.

Elle déplia la carte, observa longtemps les contours de l’île et le tracé tourmenté des routes qui la sillonnaient. Il soupirait. Elle aussi. Coup de coude, il ferma sa fenêtre, mit le moteur en marche pour activer la climatisation et attendit encore. À sa droite, un index hésitant se posa enfin sur le papier, au nord, puis glissa lentement vers l’ouest en suivant la côte au plus près. Il acquiesça en enclenchant la première.

Une jolie route les menait entre les collines rocheuses coiffées de pins et de genévriers. Soudain elle lui montra un changement de direction et il eut le temps de tourner au bon endroit pour entamer la descente vers la mer. Après les échappées magnifiques sur la fameuse crique aux eaux turquoise, ils furent étourdis par la quantité d’immeubles construits plus bas près du port. Une foule hétéroclite se pressait vers les plages dont on devinait à peine le sable envahi par une multitude de transats et de parasols.

Ils trouvèrent un parking non loin du chemin taillé dans la falaise menant au joyau de l’archipel, et ils rejoignirent la colonne de touristes qui piétinaient à l’approche des guichets dans l’attente du billet.

Ils n’avaient jamais visité de grotte, c’était l’occasion. La voisine leur en avait parlé : « Un endroit magique, une visite à ne pas manquer ! ». Elle devait avoir raison, car les panneaux publicitaires qui avaient jalonné leur parcours matinal promettaient une visite exceptionnelle, photos à l’appui.

Des responsables en tenue les parquèrent sur la zone aménagée pour les faire patienter jusqu’à l’heure du départ, former le groupe, lui attribuer un guide et expliquer les consignes. Ils se rapprochèrent d’un Français qui semblait tout comprendre et prodiguait ses commentaires à voix haute en doublant le discours des spécialistes.

Au signal, la troupe s’ébranla et la visite commença.

Par ici, souriez, encore, c’est bien, aux suivants, attention aux têtes, attention aux pieds, ça peut glisser, restez sur le chemin, ne touchez pas les parois, plus vite, ne restez pas en arrière, stop, taisez-vous, regardez, écoutez …

Ils eurent droit à l’âge de la grotte, à sa longueur, sa largeur, sa superficie, son volume en cathédrales, son niveau par rapport à la mer. Ils eurent droit à l’histoire des bandits et à celle des contrebandiers. On leur raconta le jurassique et le crétacé. On leur montra les stalactites qui tombent, les stalagmites qui montent et les colonnes quand elles s’embrassent. On leur montra une cascade asséchée là-haut qui coulait quand même là-bas pour remplir le lac à l’ouverture des vannes, mais pas longtemps, car l’été était trop sec. Et on leur ouvrit les vannes. Et on leur fit la surprise de l’écho, et plus loin, celle des trous dans le mur pour voir la mer comme par la fenêtre. On leur mit de la belle musique pour l’acoustique. On leur mit de belles lumières. Des bleues, des jaunes, des vertes et d’autres encore pour voir leur bel effet sur la pierre. Elles étaient magnifiques aussi dans l’eau, elles donnaient soif avec leurs reflets à la menthe, à l’orange ou au citron, à la grenadine ou au curaçao.

Dommage, le plafond était trop bas pour un feu d’artifice, ça manquait aux attractions. Nul doute que le bouquet final eût été beau lui aussi ! On les consola à la sortie en leur offrant d’acquérir un trophée au meilleur prix, leur photo prise par un professionnel trente minutes plus tôt, alors qu’ils s’engageaient à la queue leu leu dans les premiers mètres de la galerie.

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