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Par Daniel DUBOURG

Les idées arrêtées

Il n’est pas rare que l’on entende dire d’untel qu’il a des idées arrêtées, voire bien arrêtées. C’est parfois une marque de conviction, de détermination, de conception une fois pour toutes cadrée, immuable et définitive traduite par « celle-ci sait ce qu’elle veut » ou « celui-là, ce qu’il a dans la tête, il ne l’a pas ailleurs ! » qui peut susciter une sorte d’admiration.

Généralement, on apprécie, et même on aime celles et ceux qui savent toujours, vraiment toujours, ce qu’ils ou elles veulent. Il n’y a pas de place pour l’hésitation. Le tour de la question a été fait. On rencontre ainsi des gens qui savent immanquablement donner un avis définitif, lapidaire, ou longuement justifié sur de nombreux sujets.

Il est légitime et sain de s’interroger sur cette attitude, de savoir pour quelles raisons quelqu’un a décidé à un moment « d’arrêter ses idées ». Est-ce par désir de sécurité, par économie de réflexion, ou tout simplement parce que le fait d’en avoir implique qu’on les affine, qu’on les étaie, qu’on les explicite, qu’on les expose, qu’on les remette en question, qu’on les confronte au risque de les voir contestées, mises en doute ?

Les idées naissant de la pensée et de l’imagination, on peut tenter de comprendre ce que cette position définitive a comme conséquences sur la pensée et l’imagination. Par exemple, cela conduirait-il à un dessèchement, à un appauvrissement cérébral et, pourquoi pas, affectif et émotionnel ?

Ces idées qui sont en nous, venues d’ailleurs et repartant, qui nous traversent et nous habitent, voyagent. Elles font escale, toujours en transit, parfois au repos ou mises en sourdine.

Selon des processus et des cheminements parfois complexes, souvent peu évidents, nous adoptons des idées, nous les faisons nôtres. Et à force, nous ne les libérons plus. Elles sont dès lors arrêtées, comme mises derrière les barreaux, incapables de s’échapper, de s’évader, ou bien comme les aiguilles d’une pendule, bloquées sur une heure, et ne pouvant plus avancer.

Les idées aiment peut-être le mouvement, celui qui caractérise la pensée, la vie. Y aurait-il un risque à abandonner (ah oui ! cet abandon culpabilisant !) tout ou partie de « ses » idées pour d’autres ? Mais c’est qu’on y tient bougrement parfois, et certains plus que d’autres.

Bien sûr, le plus inconséquent serait de changer d’idée sans réelle intention, sans véritable attrait un minimum réfléchi. Car cela demande réflexion. Et l’adoption d’idées y oblige. Les idées qui nous habitent modulent notre opinion sur une foule de sujets ; et elles peuvent parfois se contredire ou contredire nos pratiques. Elles sont à la base de nos convictions et de ce bloc figé qui aura alors le nom de certitude.

Les certitudes ne tolèrent pas le doute, ce doute qui peut les remettre en cause en apportant son lot d’inconfort, même si le doute lui-même en génère également.

Douter ou être certain : quelle est la marque de faiblesse ?

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