Ellie lagneau20 litteraturejeunesse 12024

Par ELLIE et Patrick LAGNEAU

LA NOYADE D'HECTOR 

2024 01 lj1 1

Comme chaque été, Hector passe ses grandes vacances d’été chez ses grands-parents avec Papa et Maman. Les finances ne permettent pas encore de prendre de « vraies » vacances à la montagne ou à la mer. Mais ça viendra, a promis Papa.
    
Quoi qu’il en soit, pour Hector, les vacances chez ses grands-parents ne sont que du bonheur, car il retrouve son cousin Phil, non pas pour un week-end, comme d’habitude, mais pour au moins trois semaines.
     
Et l’été, quand le soleil est au rendez-vous, c’est-à-dire souvent, Papa emmène les femmes et les enfants en deux voyages avec la « Quatre-chevaux » dans un coin de baignade au bord de la Meuse, pendant que lui repart de son côté à la pêche avec Grand-père et l’oncle Manuel, le père de Phil. En fin d’après-midi, il vient rechercher tout le monde. Hector et Phil n’ont qu’une hâte, c’est d’y retourner, ce qui se produit en général tous les trois jours, si bien sûr, le soleil est toujours de la partie.

Aujourd’hui, Maman et Tante Marie, la mère de Phil, étendent une couverture sur l’herbe verte au bord de la Meuse, sur laquelle tout le monde s’assoit, et Grand-mère distribue le pique-nique : sandwiches qu’elle a préparés avec amour, gobelets et bouteilles d’eau et un fruit pour le dessert. Hector et Phil dévorent leurs deux sandwiches au jambon et au fromage, et une banane. Non pas qu’ils aient très faim, mais ils savent qu’après le pique-nique viendra le moment tant attendu : la baignade.

— Maman, dit Hector, on a fini de manger, on peut aller se baigner ?
    
— Mais non, Hector, tu sais bien qu’il faut attendre trois heures que la digestion soit terminée pour entrer dans l’eau...

Mais oui, comment Hector et Phil ont-ils pu oublier cette consigne systématique d’après repas ?... Mais pour une fois, Grand-mère vient à leur secours.

— Allons, ils n’ont pas mangé grand-chose. Ce n’est pas leurs petits bouts de pain et leur banane qui vont être lourds. Je pense qu’une petite heure de digestion devrait suffire...
    
— Bon, d’accord, dit Maman, une heure quand même ! Je vous ai pris quelques bandes dessinées pour vous aider à patienter, dit-elle en fouillant dans son sac.

Merci Grand-mère ! Grâce à elle, Hector et Phil, ravis, n’auront pas à attendre trop longtemps pour se baigner. Ils regardent les bandes dessinées que Maman a apportées. Hector choisit « Tintin et Milou en Amérique » et Phil « Pim, Pam, Poum, les rois des farceurs ».
   Allongés dans l’herbe, les deux cousins sont plongés dans leur lecture, très rapidement perturbée par l’arrivée d’autres personnes avec des enfants. Et quand ils voient qu’ils se mettent en maillot de bain et qu’ils vont directement se baigner, Hector ne peut s’empêcher d’interpeler Maman.

— On peut y aller aussi, M’man ? Regarde, eux, ils y sont déjà...
     — Non, encore un quart d’heure dit Maman après avoir regardé sa montre.

Hector et Phil se lancent un coup d’œil avec un soupir éloquent : quelle poisse de devoir attendre la fin de la digestion ! Et il est bien évident que les éclats de voix et les rires des autres enfants les empêchent de se concentrer sur leur lecture.
     Enfin, l’heure de la libération arrive.

— C’est bon, dit Maman, vous pouvez y aller, mais n’allez pas trop loin qu’on puisse vous voir...

En moins de vingt secondes, shorts, t-shirts, soquettes et nu-pieds sont enlevés et jetés sur l’herbe, et les deux cousins se précipitent vers la Meuse. Cet endroit de baignade est très pratique, car ils ont pied sur plus de trente mètres.
     L’eau est bonne, et les jeux traditionnels commencent : on s’éclabousse, on met la tête sous l’eau sans respirer, on fait la course en nageant. Maman et Tante Marie rejoignent Hector et Phil, et Grand-mère, comme à son habitude, reste assise sur la couverture. Elle dit que c’est pour les surveiller, mais Hector et Phil savent bien qu’elle n’aime pas l’eau et surtout, qu’elle a horreur de se mettre en maillot de bain. Tout du moins le supposent-ils, car ils ne l’ont jamais vue dans une quelconque tenue de baignade.

    Une heure après, plus d’une centaine d’enfants et adultes sont là, à patauger, nager, rire et s’amuser.

     Soudain, Maman ne voit plus Hector. Inquiète, elle le cherche du regard, mais ne l’aperçoit nulle part. Elle repère Phil qui s’amuse à faire le poirier, les mains posées au fond de l’eau. Dès qu’il remonte à la surface, elle l’interroge.

— Phil, où est Hector ?
     
— Heu, je ne sais pas... Il était là, à côté de moi...
     
— Marie, tu n’as pas vu Hector ? demande-t-elle à sa sœur.
     
— Ben... je croyais qu’il était avec Phil...

Une grosse inquiétude commence à se lire sur le visage de Maman. Elle sort de l’eau et va rejoindre Grand-mère pour lui poser la même question. Mais c’est là qu’elle se rend compte qu’elle est allongée sur la couverture et qu’elle s’est assoupie... Elle la secoue, de plus en plus affolée.

— Maman, Maman, réveille-toi ! Tu n’as pas vu Hector ?

Grand-mère ouvre les yeux et se demande ce qui lui arrive.

— Hein ? Quoi ?
     
— Je ne trouve plus Hector, tu ne sais pas où il est ?
     
— Ben, il se baignait avec vous, non ?
     
— Oui, mais là, il a disparu....

Grand-mère comprend enfin et se met debout près de sa fille.

— Oh, il ne doit pas être loin, va...
     
— Il s’est peut-être noyé, dit Maman en sanglotant.
     
— Allons, ne pleure pas ! On va le trouver. Allez, viens !...

Grand-mère, Maman et Tante Marie se mettent à chercher Hector parmi les nombreux baigneurs, puis le long de la Meuse, demandent aux gens s’ils n’ont pas vu un petit garçon, avec les cheveux bruns et avec un maillot de bain rouge.
     
Mais elles doivent se rendre à l’évidence : Hector a bel et bien disparu.

— Mon Dieu, où est passé mon Hector, dit Maman en larmes.
     
— Allons, calme-toi, dis Grand-mère, on va le retrouver. Il ne doit pas être...
     
— Regardez ! s’écrie Tante Marie, là-bas ! C’est Hector, on dirait...

Tout le monde se tourne dans la direction indiquée par Tante Marie, et aperçoit à l’autre bout du parc, à une bonne centainte de mètres, Hector qui avance lentement à petits pas. Maman, toute folle, se met à courir et en quelques secondes le rejoint.

— Oh, Hector ! Mon Hector ! Comme tu m’as fait peur... Mais pourquoi pleures-tu ? Où étais-tu ? Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Mais... qu’est-ce que tu as fait ? ajoute-t-elle en regardant ses jambes.

Hector, tout penaud, donne l’explication au mystère.

— J’avais... j’avais mal au ventre et... et j’avais envie de faire caca. Je... je ne pouvais pas faire près... près de tout le monde. Alors, j’ai... j’ai couru jusqu’au buisson, là-bas, mais... mais je n’ai pas eu le temps d’y arriver... J’avais des coliques et... et tout est parti dans mon maillot de bain, ça a coulé partout et... et je n’avais pas de papier pour m’essuyer.

— C’est un accident, ce n’est pas grave. Je vais te nettoyer... Je suis tellement contente de te retrouver... Tu sais, j’ai cru que tu t’étais noyé... J’ai eu très, très peur...
     
— Je te demande pardon, Maman, je n’ai pas fait exprès...
     
— Allez, viens, je vais laver tout ça...
     
— Où... Où tu vas me laver ?
     
— Eh bien, dans la Meuse...
     
— Ah, non, tout le monde va me voir, je ne veux pas que les gens sachent ce qui m’est arrivé...
     
— Ne t’inquiète pas ! On ne va pas aller où les gens se baignent. Allez, viens avec moi !...

Alors, Hector et Maman rejoignent la Meuse, un peu plus loin que l’endroit de la baignade. Après qu’ils sont parvenus dans un coin isolé au milieu des fourrés, Maman enlève le maillot de bain d’Hector, le lave et le rince dans l’eau du fleuve. Puis Hector se trempe entièrement dans l’eau à son tour, tout au bord, là où il a pied, et se nettoie entièrement. Quand il ressort, tout nu et tout propre, Maman lui tend son maillot de bain.

— Tiens, tu peux le remettre...
     
— Mais il est tout mouillé

Maman ne peut s’empêcher de rire.

— Mais gros bêta, toi aussi tu es mouillé, et quand tu vas te baigner, ton maillot de bain, il est sec ?

Hector comprend qu’il a dit une bêtise, et enfile son maillot de bain.

— Allez, viens, on va retrouver Grand-mère, Tante Marie et ton cousin.
     
— Ils doivent se demander où on est. Tu ne leur diras pas que....
     — Mais non, rassure-toi !
     
— Qu’est-ce que tu vas leur donner comme explications alors ?
     
— Tu vas voir... Aide-moi à ramasser quelques primevères !
     
— C’est quoi, des prix verts ?
     
— Pas des prix verts, le reprend Maman en riant, des pri-me-vères... des coucous si tu préfères..

Hector trouve bizarre de cueillir des fleurs maintenant, après tout ce qu’il vient de se passer. Mais comme Maman a commencé, il l’imite, lui donne les coucous qu’il a cueillis et lorsque le bouquet est suffisamment gros, Maman le garde à la main et ils retournent ensemble à la baignade. Phil, Grand-mère et Tante Marie, soulagés, les voient approcher et parvenir jusqu’à eux.

— Eh bien, alors, il était où ce coquin d’Hector ? demande Grand-mère, avec un sourire de satisfaction de les revoir tous les deux.

Alors, Maman lui donne une explication toute simple et inattendue

— On s’est inquiété pour rien. Regardez le beau bouquet qu’Hector est allé me cueillir... C’est un amour !

Hector n’oubliera jamais.

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