Prot edith 313 inconnu t32023

Par Édith PROT

Henri Braconnot

Oui, c’est vrai, à une ou deux lettres près, ce nom semble tiré d’un des livres de magie pour ado de J.K.Rowling. Mais si son Dragonneau bénéficiait d’une baguette magique et d’une solide formation à Poudlard, notre Henri Braconnot était loin d’être aussi chanceux. Il n’avait en fait qu’un seul atout, mais de taille : il était meusien !

Henri Braconnot naît à Commercy en 1780. Son père est un avocat important de la ville et dans sa petite enfance, Henri est choyé et bénéficie de professeurs particuliers. Tout change au décès de son père. L’argent se met à manquer et il doit fréquenter une école de quartier où il se montre assez médiocre et adepte de l’école buissonnière. Lorsque sa mère se remarie, son beau-père, qui ne l’apprécie guère, le contraint à arrêter ses études à l’âge de 13 ans et l’envoie en apprentissage chez un pharmacien de Nancy. Celui-ci reconnaît chez l’adolescent de bonnes capacités en chimie et en botanique et aimerait parfaire sa formation, mais lorsqu’il a quinze ans, son beau-père l’oriente vers l’hôpital militaire de Strasbourg dont il a le commandement pour y effectuer son service militaire comme élève pharmacien. Il ne va pas chômer… En effet, nous sommes en pleines guerres révolutionnaires et les blessés arrivent par dizaines chaque jour. Henri apprend donc son métier sur le tas, dans des conditions épouvantables. En 1800, il est même officiellement rattaché à l’armée du Rhin. Il n’est donc pas difficile de comprendre que son premier essai pour son diplôme de pharmacien se solde par un échec.

Il n’en a cure. D’ailleurs, il ne veut pas devenir pharmacien, comme le souhaite son beau-père, mais chimiste. Aussi, dès qu’il retourne à la vie civile, il part s’installer à Paris pour suivre des études dans ce sens. N’ayant aucun emploi stable et privé de subsides par son beau-père, il ne survit que grâce à l’argent que lui envoie sa mère en cachette. Bien que n’ayant obtenu aucun diplôme, il devient professeur d’histoire naturelle et de chimie agronome, rentre à Nancy en 1802 et intègre la Société libre des Sciences.

Braconnot

Henri s’installe sur le domaine du Montet pour y développer une usine fabriquant du sucre à partir de la betterave (suite au blocus des côtes, le sucre de canne n’arrive plus en France). En même temps, il est nommé directeur du Jardin botanique de Nancy (connu aujourd’hui sous le nom de Jardin Godron). Il s’y installe un laboratoire pour étudier la chimie des végétaux. Car il a trouvé là sa véritable passion.

Il découvre ainsi un grand nombre de sucres végétaux comme la chitine (substance utilisée aujourd’hui pour permettre la cicatrisation des grands brûlés) et des corps gras comme la stéarine (on en fait des bougies). C’est lui qui découvre le procédé de saccharification qui permettra plus tard d’isoler le glucose. En utilisant des acides sur des matières végétales, il obtient plusieurs autres substances comme la xyloïdine, sorte de vernis considéré comme le premier polymère et qui sera plus tard développée sous le nom de collodion ou de celluloïd. Bref, notre homme est une sorte de bricoleur dont le génie ne sera jamais reconnu pour plusieurs raisons : il ne détient aucun diplôme prestigieux, même s’il est reconnu par les autres chimistes comme l’un des leurs, et surtout c’est un incorrigible timide qui refuse de parler en public ou de faire publier ses travaux dans des revues prestigieuses. Il travaille seul, n’a aucun disciple et ne fait jamais de conférence. Même lorsqu’il est élu par ses pairs à l’Académie des Sciences, il préfère rester dans le public plutôt que d’aller siéger avec ses confrères. Mais surtout, lorsque beaucoup de substances qu’il a découvertes seront par la suite développées et améliorées par d’autres chercheurs, ceux-ci n’hésiteront pas à leur donner un autre nom et à s’en attribuer la paternité, comme la morphine, les alcaloïdes, l’acide gallique qui permettra de développer la photographie ou le nitrate de cellulose qui conduira plus tard à la dynamite..

Resté célibataire, il recueille sa mère après le décès de son beau-père, puis sa nièce après le décès de son frère. Lorsqu’il découvre qu’il est atteint d’un cancer de l’estomac, il refuse de se faire soigner, ses années à l’hôpital de Strasbourg auprès d’un beau-père méprisant l’ayant dissuadé à jamais de faire confiance à un médecin. Ses derniers travaux seront cependant axés sur une physiopathologie de son propre tube digestif, à toutes fins utiles...

Henri décède à Nancy en 1855. Contrairement à sa ville natale qui ne conserve aucune trace de lui, sa ville d’adoption saura honorer cet homme discret en lui dédiant une rue ainsi qu’une école maternelle et une école primaire qui portent son nom. On peut même découvrir son portrait dans un médaillon de la façade principale du Palais de l’Académie, le long du Cours Léopold. Pas mal, pour un petit Meusien timide !

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