Balade ardennaise
(Épisode 3 : Boucles de Meuse)
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La forêt ardennaise, paradis des pêcheurs et des amoureux de nature, est un labyrinthe où il fait bon se perdre. Il y existe des êtres imaginaires comme les « nutons » qui travaillent pour vous la nuit, réparant chaussures ou casseroles, comme les « pie-pie van-van » qui vous perdent en forêt la nuit. Sur cette terre de légendes, dans ces paysages aux contours magiques, subsiste une kyrielle d’histoires merveilleuses.
Je vous retrouve à Monthermé, commune française située dans le département des Ardennes, qui s’est développée de part et d’autre d’un méandre, au confluent de la Meuse et de la Semoy. Ses habitants, les Baraquins, doivent ce drôle de nom à ceux qui vivaient dans les maisons ouvrières sur les rives semoises et qu’on appelait « ceux des baraques ».
La rivière serpente lentement bordée par endroits de peupliers et de saules. Ailleurs, elle réfléchit l’ombre des collines vertes, puis se rétrécit brusquement en gorge étroite entourant comme une presqu’île ce mont arrondi qui domine Monthermé.
Elle est à la fois pour ce bourg pittoresquement situé un chemin qui l’enrichit et un spectacle animé qui nous distrait de la vue des hauts rochers dressés comme un rempart infranchissable entre ville et horizon.
Certains sites comme la Roche longue ou la Roche à 7 heures offrent de jolies promenades pour profiter de points de vue imprenables et permettent également au marcheur d’observer des affleurements de schistes et d’ardoises qui ont été exploités dans le secteur.
Nous arrivons à Bogny sur Meuse avec ses points de vue sur les rochers de l’Hermitage et de la Roche Fendue qui permettent d’apprécier la vallée. Le visiteur pourra aussi voir cette curiosité géologique formée de bancs de quartzite évoquant la fameuse légende des 4 fils Aymon, chevaliers rebelles fuyant la colère de Charlemagne, bondissant au-dessus des rivières, tous les quatre sur leur cheval Bayard.
Un centre d’exposition des minéraux et fossiles des Ardennes complète l’information sur l’histoire géologique de la région. Il propose plusieurs fois dans l’année des expositions internationales de gemmes et de fossiles pour tout public.
À quelques kilomètres de la vallée meusienne, le site naturel des Vieilles Forges, composé de prairies, de forêts et d’un lac, est idéal pour se détendre et pratiquer de nombreuses activités de nature comme la baignade, le canoé-kayak, la pêche, l’équitation ou la randonnée. De nombreuses espèces végétales rares ou protégées s’y rencontrent. L’étang qui attire des espèces menacées de batraciens et de reptiles offre aussi un grand intérêt ornithologique.
La maison du Parc Naturel Régional basée à côté du Musée de la forêt à Renwez présente une vitrine du territoire, de son identité, de ses projets environnementaux, de ses traditions et savoir-faire.
La route nous mène à Rocroi, petite « cité de caractère » accueillante, célèbre pour sa bataille historique et ses fortifications classées propices aux balades.
Construite en 1555, elle a conservé dans son état d’origine son urbanisme militaire radio-concentrique unique en France : dix rues disposées en étoile partant d’une place centrale.
Nous retrouvons la Meuse à Revin, bourgade entourée de nature, entrelacée dans une double boucle du fleuve au confluent avec la Faux. La « Maison espagnole » bâtie au XVIe siècle témoigne du rôle tampon de la cité entre les Pays-Bas espagnols et le royaume de France. Elle abrite le « musée du Vieux Revin » et nous invite à découvrir la vieille ville au détour de ses « voyettes », ruelles chargées d’histoire.
La route suit le cours de la rivière et traverse ensuite Fumay, cité de l’ardoise, matériau qui fit sa prospérité au XIXe siècle.
À Haybes, surnommée « la Rose » ou « la Jolie », les toits teintés de bleuté et de rose se reflètent dans l’eau du fleuve. À Montigny sur Meuse, les maisons couvertes d’ardoises s’alignent serrées le long de la route qui côtoie le fleuve.
Nous nous arrêtons pour déambuler dans Hierges, petit village pittoresque dominé par les vestiges d’un château moyenâgeux.
Givet, dernière ville fluviale avant la Belgique occupe un site géographique remarquable qui lui a laissé un patrimoine urbain et historique important. En flânant dans les rues « en demi-cercles » face au quai de Meuse, nous découvrons ses églises, sa forge, son Centre européen des Métiers d’Art, son couvent des Récollectines siège de la Médiathèque, son ancien manège militaire transformé en espace spectacles.
Sur la rive gauche, un promontoire escarpé porte l’imposant fort de Charlemont construit par Charles Quint qui domine la vieille ville. En face, sur la rive droite, le Mont d’Haurs est couronné par la vieille tour Grégoire et son point de vue imprenable. Au soir, les lumières de la ville qui dansent à la surface de l’eau sont un ravissant spectacle qui invite à la balade nocturne. Et au lever du jour, Givet mystérieuse émergeant des brumes flottant au-dessus des eaux est un privilège qui comble le camping-cariste matinal !
La Meuse entre maintenant en Belgique. Le château de Freÿr et ses jardins, classés Patrimoine majeur de Wallonie, entre Wausort et Dinant, forment, avec les rochers qui descendent à pic dans le cours d’eau, un des plus beaux sites belges.
Un peu plus loin, le Rocher Bayard est une spectaculaire aiguille rocheuse de quarante mètres de haut qui protégeait l’entrée de Dinant. Selon la légende, le cheval des fils Aymon l’aurait escaladé dans sa fuite et prenant son élan, l’impétueux coursier aurait imprimé la trace de son fer dans cette pierre qui a donc pris le nom de la fabuleuse monture.
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Et voilà Dinant, dressée au cœur de la roche, caressée par la Meuse et surplombée de sa citadelle. Depuis le Moyen-Age, elle s’est déployée grâce à la proximité du fleuve et doit sa renommée au travail du cuivre et de la dinanderie. D’où le surnom de ses habitants, les Copères, du mot germanique « koper », le cuivre. Elle sera réduite en poussière en 1466 par Charles le Téméraire. En 1914, les troupes allemandes l’incendieront et fusilleront plus de 670 Dinantais.
Une croisette en bord de Meuse, des terrasses et restaurants à foison, des rives aménagées pour badauds, marcheurs et cyclistes ou une croisière mosane en bateaux, nous avons le choix pour profiter de la journée.
Le choix aussi pour les visites : la Maison Leffe, la « grotte merveilleuse » et surtout l’incontournable citadelle centenaire fortifiée, son musée et sa vue panoramique que l’on atteint par 408 marches ou, option plus confortable, par le funiculaire qui part du centre-ville.
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En contrebas, au bord de l’eau, s’élève l’impressionnante collégiale Notre-Dame, édifice gothique de style mosan, chapeautée d’un clocher à bulbe, superbe à l’extérieur comme à l’intérieur.
On ne peut rater la traversée du magistral pont Charles de Gaulle qui enjambe le fleuve devant l’église, avec ses dizaines de saxophones aux couleurs de l’Europe. Fontaines, œuvres d’art, luminaires, à Dinant, le saxo est roi. Pourquoi ? Adolphe Sax, inventeur de l’instrument, y a vu le jour en 1814 et sa statue trône inlassablement accoudée sur un banc devant la « Maison de Monsieur Sax » transformée en petit musée.
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Il nous reste à goûter la fameuse Couque de Dinant. Elle aurait été inventée par les Dinantais pour survivre avec les seules denrées existantes durant le siège de la ville par Charles le Téméraire au XVe siècle : miel et farine suffisent donc à sa fabrication. La cuisson caramélise le miel et la couque durcit en refroidissant, ce qui lui permet de se conserver indéfiniment.
Mais, croyez-moi, si vous tenez à vos dents, ne vous y frottez pas ! Comme on nous l’a expliqué, nous avons bien tenté d’en casser un morceau pour le sucer comme un caramel, puis de le tremper dans notre café. Sans succès ! Impossible de mâcher ce biscuit. Je donnerai ma main à couper que tous les Belges savent qu’elles sont décoratives et s’amusent à les vendre aux touristes en rigolant sous cape !
Il reste de magnifiques découvertes ardennaises que je vous raconterai peut-être pour susciter d’autres périples.
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