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Par Daniel DUBOURG

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Les faiseurs de ruines

  Notre monde duel fait que nous rencontrons et vivons des idées et des comportements opposés nécessitant des choix. Et si notre éducation, héritage à remettre en cause afin de ne pas tout prendre pour argent comptant, entre pour une bonne part dans ce qui nous caractérise comme constructeur de notre personnalité, les apports culturels de tous ordres participent aussi à notre définition et à l’élaboration de nos conceptions par le biais des rencontres, des expériences et des apports théoriques. Celles-ci ne sont pas forcément un gage de cohérence et de logique interne, pour autant.

  Ainsi, chacune, chacun se construit une vision personnelle de chaque chose, y compris de soi-même, pensant qu’il n’y a pas a priori nécessité de la remettre en cause. Dans cette situation figée, le doute devient alors le pire ennemi de la certitude érigée en vérité qui se veut rassurante, stable et définitive. Cette certitude est érigée en moteur de nos pensées et de nos actions justifiées par sa seule existence. À l’opposé, le doute est alors générateur d’insécurité, voire d’anxiété, parce qu’il peut dérégler notre fonctionnement et nous conduire sur des chemins que nous ne connaissons pas.

  Si nous pratiquons la remise en cause, nous nous habituons à ne rien figer de nos conceptions et de nos comportements, donc de nos actions, surtout quand nous les confrontons à d’autres qui nous sont étrangères. Ainsi nous relativisons et reconnaissons qu’il existe d’autres formes de pensées, d’autres conceptions, d’autres valeurs que les nôtres.

  Pour certains, la certitude est si ancrée, elle s’est tant installée que la chute dans des comportements excluant toute tolérance est possible, inévitable et parfois dangereuse. Ainsi va se construire un ego surdimensionné ne laissant plus la moindre place au doute. La crainte est grande que les certitudes vacillent. Il devient alors nécessaire de se barder, de se protéger, de renforcer sa sécurité afin que le système des certitudes internes tienne en place, reste cohérent, sinon ce dernier s’effondre, et avec lui ce qui constitue la raison d’être de toute existence, de tout projet. Le sujet ne démord plus de ses comportements qu’il affirme comme seuls valables et justifiés. Et toute tentative de faire entendre raison est vouée à l’échec, car le personnage est devenu sourd à tout ce qui lui est extérieur.

  La paranoïa fait le reste dans l’escalade, conduisant celui qui la vit à un isolement accompli. S’il s’est fabriqué un grand destin à l’image de son ego, s’il pense qu’il fait figure de recours, de sauveur, de guide et qu’il a élaboré un projet à la hauteur de ses rêves chimériques, il tient absolument à le mener à bien et, pour y parvenir, s’en donne les moyens à la mesure de la puissance dont il dispose. Désormais, ce qui est une ambition personnelle exaltée devra être partagé de gré ou de force. Plus rien n’arrêtera la mécanique et tout ce qui se dressera sur sa route sera éliminé, laminé, anéanti. Il ne subsistera que ruines, désolation et misère meurtrissant pour longtemps les victimes.

  Ceux qui offriront une résistance seront supprimés et ceux qui se soumettront vivront un régime de terreur dans la stricte obligation de se plier à une volonté folle et imposée.
  Quand le despote est intelligent-il ne s’agit pas ici d’intelligence du cœur-, il sait parfaitement comme s’y prendre pour assouvir son désir de puissance et utilise mensonge, propagande, fausse information, intimidation, élimination, manipulation, chantage, privations de liberté, bien sûr, et mise en place de carcans législatifs ad hoc.

  Concernant la vie d’une collectivité, voilà qui pose un grave problème. Aussi, autant que nous en avons la maîtrise, est-il nécessaire de faire en sorte qu’aucune dérive ne puisse voir le jour, sachant que les dirigeants que nous mettons au pouvoir ne sont pas à l’abri de comportements pouvant mettre en péril la vie de cette collectivité.

  Les despotes utilisent la manière forte. D’autres procèdent par touches délicates, homéopathiques, si bien que les changements ne sont guère perceptibles dans le court terme. C'est l'histoire de la grenouille dans le bocal de laquelle on ajoute un peu d’eau tiède chaque jour.
  Les despotes pratiquent l’anéantissement ou l’asservissement délibéré. Ils nient toute forme de vie, car ils visent à éliminer ce qui leur est différent, autre, inconnu.     

  Comment est-il possible dans ces conditions de concevoir un système social dans lequel peut s’exprimer la liberté de penser et de choisir, donc la culture, la communication vraie, la pluralité, la créativité ?
  La démocratie, fragile et imparfaite, n’est peut-être pas encore dotée des moyens susceptibles de faire barrage à tout type de pouvoir capable d’imposer un modèle de pensée unique robotisante et létale.
  Ceux qui créent ne perdent sans doute pas de vue cet aspect, car ils savent l’importance qu’a la liberté dans la réalisation totale que tout individu recherche.

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