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Par Édith PROT

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Pierre GAXOTTE

Il en est de la politique comme de la dérive des continents. Un parti considéré comme progressiste, donc de gauche au moment de la Révolution, siègerait aujourd’hui sur les bancs de la droite, de même que les honorables conservateurs de cette époque se verraient aujourd’hui relégués à l’extrême droite. Certains hommes n’ont pas suivi cette évolution. Celui dont je vais faire le portrait était un nostalgique de l’ancien régime et aurait sans doute trouvé davantage sa place à cette époque. Cependant, pas plus qu’il ne choisit l’année de sa naissance, un homme libre ne se laisse imposer ses convictions, même si elles font grincer des dents à beaucoup de ses contemporains. Notre Meusien était de ceux-là.

Pierre Gaxotte naît en 1895 à Revigny-sur-Ornain dans une famille bourgeoise. Son père, notaire, sera maire de Revigny-sur-Ornain de mai 1913 à1920. Pierre commence ses études secondaires au lycée de Bar-le-Duc, puis intègre le lycée Henri IV. C’est là qu’il subit une première atteinte de tuberculose, soignée avec la plus grande discrétion, comme dans toutes les familles bourgeoises, mais qui lui vaudra d’être réformé lorsque la guerre éclatera en 1914. Il peut donc continuer ses études, entrer à l’École normale supérieure en 1917 puis préparer l'agrégation d'histoire et géographie où il est reçu premier en 1920. Pendant ses dernières années d’études, il se lie avec des camarades d’extrême droite et devient le secrétaire de Charles Maurras, chef du mouvement Action française pour qui il éprouve très vite une immense admiration.

Charles Maurras est un royaliste, ardent patriote et nationaliste, qui ne voit le salut du pays que dans la religion, le soutien aux militaires et le rejet des idées socialistes. Pierre se retrouve dans ces convictions et milite activement à ses côtés après avoir abandonné son poste de professeur d’histoire. Il participe activement à plusieurs journaux d’extrême droite, Candide, puis Je suis partout un journal qui va évoluer petit à petit sous la pression de ses collaborateurs vers un antisémitisme et un antibolchevisme acharné, réclamant un réarmement face à la menace allemande. Cependant la dérive fasciste du journal va trop loin pour Pierre Gaxotte qui commence à prendre ses distances avec la rédaction dès 1938, et quitte définitivement la direction en 1940. Malgré ses sympathies pour certaines idées pétainistes, il ne peut se résoudre à collaborer avec l’occupant et dirige alors un petit journal illustré humoristique sans ambition politique. Cependant lorsque les Allemands envahissent la zone libre, il est recherché par la Gestapo qui a longuement étudié et peu apprécié ses articles antigermaniques. Il doit alors fuir Clermont-Ferrand pour se réfugier dans un petit village de l’Allier.

À la Libération, il n’est pas inquiété et dès 1945 il retrouve un emploi de journaliste à France Soir. Il abandonne le militantisme politique et va dès lors se consacrer à écrire dans les colonnes du Figaro des chroniques historiques de style contre-révolutionnaire, tentant de réhabiliter certains monarques comme Louis XV aux yeux de ses lecteurs.

C’est un esprit fin, très cultivé et volontiers caustique (on lui doit notamment ces deux citations toujours d’actualité : « Les jeunes n'ont rien à dire, les vieux se répètent » et « quand un nouveau régime s'installe, il commence par inaugurer les ponts, les gares, les aérodromes que son prédécesseur a mis en chantier, puis il dénonce l'impéritie de celui-ci ») qui possède, selon Jean Dutourd, « un regard infaillible pour retrouver la vérité sous des stratifications séculaires d’erreurs ou de bêtises, ce qui fait de lui l’un des plus originaux historiens que notre littérature ait comptés ». L’Académie française le reconnaît en lui décernant le grand prix Gobert en 1946, le prix Louis-Barthou en 1952, puis en l’accueillant parmi ses membres en 1953.

Il fréquente régulièrement le Paris mondain, est l’ami de Christian DiorHenri SauguetMax Jacob, Jean Cocteau, et Colette avec laquelle il collabore au sein de l'Académie du disque français.

En 1967, il est nommé conservateur du musée de Chantilly, poste de prestige occupé par la suite par d’autres académiciens fameux, tels Alain Decaux et actuellement Amin Maalouf.

Il décède à Paris en 1982, laissant de nombreux ouvrages historiques ainsi que deux livres de souvenirs sur son enfance et son adolescence en Meuse, Mon village et moi et Les autres et moi. C’est d’ailleurs en Meuse qu’il a demandé à être inhumé, au cimetière de Revigny qui lui dédiera par la suite une place au centre du village.

Mais quelle plus belle récompense pour un écrivain que de voir son nom associé à un prix littéraire ? C’est chose faite. Depuis 2008, le prix Pierre Gaxotte récompense chaque année un ouvrage grand public, traitant de la France ou de l’Allemagne, et qui se distingue par son sérieux et son originalité.

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