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Par Jean-Luc QUÉMARD

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Stenay au fil du temps
(Partie II : de la révolution à la Grande Guerre)

 

Stenay comme toutes les villes de France connaît lors de la révolution des changements d’ordre économique, culturel, social et sociétal sans toutefois subir de bouleversements notables. Les stenaisiens s’adaptent, parfois contraints, en suivant leur déroulement. Les réformes administratives, judiciaires, fiscales votées en assemblée constituante se mettent en place.
Le 1er janvier 1790, le département du « Barrois » est créé, Stenay devient un des huit chefs-lieux de district. Le 26 février 1790, le département change d’appellation pour devenir département de la « Meuse ». Les limites territoriales restent les mêmes.
En 1791, l’Assemblée générale constituante révoque la donation du Clermontois à la Maison de Condé, abolissant pour Stenay toute redevance d’allure féodale. Cette décision est pour Stenay le moment clé de la Révolution française.

En avril 1792, pour sauvegarder la révolution, la guerre est déclarée à l’Autriche qui, avec ses alliés, veut la renverser pour restaurer la royauté. La forge de Stenay, comme les autres forges meusiennes, tourne à plein régime pour fournir les arsenaux en boulets et en biscayens (petites balles en fonte ou en fer).
Le 21 juin 1791, le roi Louis XVI (1754/1793) et sa famille quittent discrètement Paris pour rallier Montmédy avant de fuir à l’étranger. Stenay est une étape de ce périple, mais le roi est interpellé à Varennes-en-Argonne où le capitaine Étienne Radet[1] de la garde nationale joue un rôle ambigu. Le marquis de Bouillé[2] (général) en attente à Stenay avec le régiment royal est chargé de son escorte jusqu’à Montmédy. Il arrive trop tard à Varennes pour l’accueillir, le roi étant ramené sous bonne garde à Paris. Le marquis soupçonné de trahison par le comité de salut public s’exile à Coblence.
En 1791, les propriétés et les biens religieux sont confisqués et deviennent « biens » nationaux.
En août 1792, les troupes ennemies commandées par le général Wallon, Clerfayt, occupent la cité avant de connaître la défaite à Valmy (La colonne Clerfayt fait partie de l’ensemble des troupes commandé par le général Brunswick). Lors de l’occupation, le nommé Vadebois est fusillé le 9 septembre 1792 pour avoir tiré sur un officier général en l’effleurant, et le maire, Mr Collin ainsi que 12 habitants sont pris en otages.
En 1793, certains prêtres refusant de prêter serment s’exilent, d’autres sont déportés sur l’île Madame[3] située au large de Rochefort. Les abbés Lainel et Maucourt, réfractaires, subissent un des épisodes les plus inhumains de la Terreur, ils mourront dans d’atroces circonstances en septembre 1794.

Mallarmé, député de Nancy désigné par la convention, est chargé de l’application de l’épuration et vient à Stenay le 20 avril 1794 (1er floréal, an II) pour y contrôler son déroulement. 
De 1794 à 1799, quelques désordres sont à recenser. La plupart sont dus à l’augmentation du prix du pain, à la nouvelle menace de famine, aux élections des représentants du district où la poussée royaliste se confirme, etc. La révolution malmenée par ses contradicteurs prend fin par le coup d’état des 9 et 10 novembre 1799 (XVIII et XIX brumaire-an VII), organisé par Emmanuel-Joseph Sieyès[4] et exécuté par Bonaparte, qui mit fin au Directoire, le dernier pouvoir révolutionnaire.

La révolution passée, Stenay connaît une longue période plus sereine jusqu’en 1871 où, elle sera à nouveau occupée par les Prussiens. Entre-temps, la cité connaît un essor économique, agricole, industriel : sept brasseries, deux filatures, deux scieries, une tannerie, une tonnellerie, une fabrique de colle forte dite « collerie », deux malteries, une minoterie. La forge se modernise à plusieurs reprises puis se transforme en fonderie en 1884, l’artisanat se développe comme la broderie, etc. La démographie est elle aussi en plein essor. La cité étant devenue un bassin d’emploi voit sa population augmenter de 21% entre 1804 et 1836, soit 3266 habitants. Le pic pour le département est atteint en 1851 avec 328.657 habitants, dont 3390 pour Stenay.
Malgré cette situation perturbée, la cité maintient une certaine stabilité. Proche de la frontière, Stenay devient une ville de garnison importante. Le développement scolaire s’effectue d’abord sous l’égide religieuse jusqu’en juin 1882 où une école laïque pour les filles est créée. Un établissement secondaire pour les garçons voit le jour en 1903. Suite à la modernisation de la ville, l’urbanisation se développe avec la construction de nouvelles maisons, de trottoirs, l'édification de nouvelles places dont une munie d’un kiosque à musique (1894), de lavoirs et d’égayoirs etc. En 1870, une ligne télégraphique est installée de Stenay à Dun, elle fait partie des huit lignes départementales.
Dans cette période d’accalmie, le 1er Consul Cambacérès, ami avec le juge de paix de Stenay, un certain Joseph Lambert résidant à Mouzay, visite souvent la région.

L’abbé Maudru, nommé curé en 1803, fonde plusieurs filatures.
L’année 1804 est marquée par le début du Premier Empire. Napoléon Bonaparte, devenu empereur des Français le 18 mai, passe le 10 octobre une nuit à Stenay, chez le général d’Elbée[5] (1730-1813).
En 1814, la Restauration marque le retour de la monarchie. Les Bourbon reprennent le pouvoir Louis XVIII du 6.04.1814 au 30.03.1815 et du 8.078.1815 au 16.09.1824, puis Charles X jusqu’en 1830) où une autre révolution voit le jour, mais sans causer de soucis à la cité ni à ses habitants.

En 1854, une épidémie de choléra entraîne la mort de 95 personnes.
En 1866, la société musicale (Le Réveil) est créée. C’est le début de la longue tradition musicale de Stenay. D’autres sociétés suivent jusqu’à nos jours : en 1911 le Groupe Symphonique avec fanfare, puis en 1927 (la Lyre Stenaisienne et en 2012, l’Harmonie Stenaisienne).
De 1870 à 1873, durant la guerre franco-prussienne, opposant la France et les États allemands coalisés sous l’égide de la Prusse, la ville est occupée. Dès le 18 novembre 1870, le général von Seuden s’y installe avec quelque 4000 soldats. Les stenaisiens subissent la répression (suite au coup de main du 18 novembre 1870 mené contre les Uhlans, la ville sera rançonnée et des notables envoyés en captivité), les réquisitions de maisons et bâtiments, les restrictions de liberté, voire économique jusqu’au 26 juillet 1873 où les Allemands quittent la cité pour prendre la route de l’empire germanique. L’armée française réoccupe immédiatement la cité d’une manière exponentielle. Comme le département, cette dernière voit le nombre de militaires augmenter de 11%. Suite à l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, soixante-trois optants[6] (choix autorisé jusqu’au 1er octobre 1872) ayant choisi de demeurer français et de changer de domiciliation, rejoignent Stenay.

En 1876, le chemin de fer est inauguré, et la ligne créée permet de rejoindre le Sud meusien, Verdun - Commercy ainsi que le Nord-Est meusien Montmédy puis Sedan.
En 1877, débute l’aménagement du canal latéral de la Meuse et l’élargissement du port. Le creusement du canal de l’Est se termine en 1884.

En 1880, Stenay s'éclaire à l’aide de becs de gaz. En 1908, on dénombre 77 lanternes dans la ville.
En 1891, quatre stenaisiens fondent la Société anonyme des Eaux de Stenay. En 1895, une seconde forge est créée (Les Aciéries de Sambre-et-Meuse).
En 1914, la première salle de cinéma est ouverte. La déclaration de guerre intervient malheureusement peu de temps après, le 3 août.

Sources documentaires :

Dossiers documentaires meusiens n° 38 et 39 – Stenay hier - Jean Maillard
Dossiers documentaires meusiens : La Meuse pendant la révolution – J.P Harbulot et J.P Streiff
Dossiers documentaires meusiens : La guerre de 1870 dans la Meuse – J.P Streiff
Archives départementales de la Meuse : annuaire 1804 – pages 37 à 39 – BIB R 114

Archives départementales de la Meuse : affaires militaires – occupation étrangère (1800-1940) – série R 93 et 95


[1] Étienne Radet devient le 1er général de gendarmerie et général d’Empire sous Napoléon 1er. Il est commandé par l’Empereur pour enlever et séquestrer le Pape Pie VII le 12 juin 1809.

[2] François Claude Amour du Chariol, marquis de Bouillé, né en 1739 dans le château du Cluzel à Saint-Eble (Auvergne) est décédé en 1800 à Londres.
[3] Cette île accueille 829 prêtres réfractaires déportés où les 3/4 d’entre eux mourront de faim et de mauvais traitements.
[4] Emmanuel-Joseph Sieyès, né le 3 mai 1748 à Fréjus et mort le 20 juin 1836 à Paris, est un homme d'Église, homme politique et essayiste français, un des trois directeurs du Directoire.
[5] Ce général débute sa carrière très tôt sous Louis XV, en 1745, à l’âge de 15 ans il participe à la bataille de Fontenoy, sa fille et la sœur de Napoléon, Pauline, ont fréquenté l’école des demoiselles de St-Cyr.
[6] Le mot optant, employé à l’époque désigne la personne devant faire le choix : être Allemand ou demeurer français.

(Toutes les photos peuvent être agrandies d'un simple clic)

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Immeuble du général d’Elbée situé rue Pasteur où Napoléon venant du Luxembourg et se dirigeant vers Paris passe une nuit le 10.10.1804

Le général Étienne Radet, son acte de naissance : 18.12.1762 à Stenay,  27.09-1825 à
Varennes-en-Argonne

Monument élevé à la gloire des soldats français tombés lors de la guerre de 1870-1871
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Tombe collective de 86 soldats allemands tombés lors de la guerre de 1870-1871

Le kiosque de Stenay construit en 1894

Le Tribunal construit au XVIIème siècle transformé en hôtel de ville en 1927

 

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