Plume a lu201-janvier-1.jpg2022

Par Denys de JOVILLIERS
Laroque denis

La femme et l'oiseau
d'Isabelle SORENTE
(Éditions JC Lattès - 2021)

 
2022 02 plume a lu

L’auteure

De formation scientifique, Isabelle Sorente s’intéresse aussi au théâtre et à l’écriture. Elle est chroniqueuse sur France Inter et dans Philosophie Magazine, cofondatrice de la revue Ravages et du magazine Blast.

Elle est remarquée dès son premier roman, « » publié en 2001.

Elle a reçu le prix « Feuille d’or des médias » en septembre 2021 au Livre sur la Place à Nancy pour La femme et l’oiseau.

L’histoire

Aborde le sujet des « Malgré-nous », les Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée nazie pendant la deuxième Guerre mondiale, à travers trois générations de personnages traumatisés « malgré eux ».

Thomas, 91 ans, envoyé avec son frère aîné Alex sur le front est. Faits prisonniers par l’Armée rouge, ils sont emprisonnés au camp de Tambov, le camp des Français. Les conditions d’internement sont très dures. Lorsque son frère meurt, Thomas se sent responsable.  Enfin libéré, il revient vivre en Alsace, dans sa maison isolée en lisière de forêt.
Soixante-dix ans plus tard, Elisabeth, la petite fille d’Alex, vient passer quelques semaines chez son grand-oncle, avec  Vina qui vient de se faire renvoyer du lycée pour avoir été violente envers un camarade.
Elisabeth se reproche de n’avoir pu mettre au monde Vina, sa fille biologique née en Inde d’une mère porteuse qu’elle a payée pour qu’elle renonce à revoir le bébé. Devenue veuve, elle  réussit brillamment une vie professionnelle dont elle se sent prisonnière.
Vina se sent trahie par les personnes qu’elle aime : sa mère Elisabeth, la femme qui l’a fait naître et  qu’elle n’a jamais pu embrasser, Juliette sa meilleure amie, enfin Gaspard, le garçon auquel elle faisait confiance et qui a révélé à un autre le secret de sa naissance.
Thomas est toujours habité par les souvenirs de son frère et de la femme qu’il a aimée durant sa captivité et qu’il n’a jamais revue. Il tente de la retrouver au cours de ses promenades en forêt, aidé par un faucon sauvage qu’il vient nourrir tous les jours et qui l’aide à « voler » dans le temps et l’espace.
La bienveillance de Thomas et de Mona, son aide ménagère, les relations privilégiées qui s’établissent avec la nature, les temps de méditation, vont permettre aux personnages de cheminer pour dépasser ce qui les entrave.

J’ai aimé

Le fait que le thème de la guerre et de ses souffrances ait été abordé à travers le vécu des « Malgré-nous ». La distanciation qui permet d’éviter les redondances autour de sujets maintes fois abordés dans le genre romanesque. Le choix de relater néanmoins des faits dramatiques lors d’épisodes  déterminants du roman, ce qui participe au devoir de mémoire.

L’alternance des points de vue à travers des personnages attachants, la mise en perspective intergénérationnelle.

La dimension poétique du récit, avec l’omniprésence de la nature.

La dimension philosophique avec les questions sur la liberté, l’amour, le sens de la vie.

Le style : les phrases nominales qui suggèrent, l’utilisation de participes présents qui donnent une dimension particulière aux actions, comme pour marquer le « détachement » du corps sensible et de la pensée, les changements de rythme.

Quelques citations

« Il avait cru naïvement qu’elle était protégée parce qu’elle était une femme. Le destin des Malgré-nous ne la menaçait pas. Il ne la rattraperait pas. Pas elle.
Lorsqu’ils s’étaient assis sur le banc, face à la rivière, elle lui avait dit : Je suis fatiguée d’être un bon petit soldat. Avait dit : Si rien ne change, je vais mourir, mais je ne sais pas comment changer.
Alors il lui avait donné rendez-vous dans son endroit secret, en haut de la colline, là où nichaient les faucons.
Le seul endroit où il se sentait vraiment lui-même. Vraiment entier. Capable (peut-être ?). De transmettre (peut-être ?). Il fallait qu’il en soit capable. » (p. 181)

« Nous naissons tous malgré nous, Vina. C’est ensuite que nous pouvons choisir. » (p.237)

« … Cet esprit a des pouvoirs, Vina. Il a le pouvoir de voler. C’est quelque chose que j’ai appris à Tambov. Je m’envolais chaque nuit au-dessus de la fosse. Je volais au-dessus des barbelés et des miradors, je volais au-dessus du carnage, je volais jusqu’à cette falaise que tu vois en face de nous. (…) C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai survécu. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime la vie. » (p. 245)

« Embrassant Mona pour lui dire au revoir. Le délicat parfum de vanille au creux de son cou. 
Espérant qu’elle ne se rendrait pas compte qu’elle avait hâte qu’elle s’en aille. » (p. 259)

En savoir plus sur les « Malgré-nous »

Musée « Mémorial Alsace Lorraine » à Schirmeck.

Les Malgré-nous, INA, 1998
https://www.youtube.com/watch?v=7u3lhJAxzkA

Autres documents INA :
https://www.ina.fr/recherche?q=Les%20Malgré-nous

Quelques romans récents d’Isabelle Sorente :

180 jours, Lattès, 2013 ; Folio, 2019
La Faille, Lattès, 2015 ; Folio, 2017
Le Complexe de la sorcière, Lattès, 2020 ; Folio, 2021

 

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