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Par Édith PROT

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Jacques BELLAVESNE

Saint-Cyr… On pense immédiatement en lisant ces deux mots à de jeunes hommes en train de défiler sur les Champs-Élysées et portant fièrement le casoar, un képi orné d’un plumet rouge et blanc. On oublie au passage que cette école qui forme la fine fleur de l’armée est mixte depuis 1984. On oublie surtout que c’était une école réservée aux filles lorsqu’elle fut créée par Madame de Maintenon. Alors qui a transformé ce pensionnat féminin en haut lieu de formation pour les officiers de l’armée française, à la demande de Napoléon 1er ? Un Meusien !

Jacques Nicolas Bellavesne naît à Verdun en 1770. Son père est militaire dans la cavalerie et, lorsque Jacques décide à 21 ans de rejoindre les rangs de l’armée révolutionnaire, c’est dans l’ancien régiment de son père qu’il va s’engager comme simple soldat. Ce bouillant jeune homme ne passe pas inaperçu, il devient officier l’année suivante puis il est rattaché à l’État-Major de l’armée du Rhin en 1793 comme aide de camp. Ce cavalier se taille très vite une réputation flatteuse, ramenant un nombre considérable de prisonniers à chacune de ses charges. Il a également le sens de l’initiative, car, apprenant que l’ennemi s’apprête à évacuer Haguenau et craignant pour les civils lors de cette retraite, il se rend dans la ville avec 50 hommes et fait cesser la mise à sac, faisant au passage 400 prisonniers. Ce coup d’éclat ne sera pas le seul puisqu’il parvient un peu plus tard à capturer 600 « Manteaux Rouges », des soldats autrichiens réputés pour leur acharnement au combat. Tant et si bien qu’en 1796, soit cinq ans à peine après s’être engagé, il est nommé général de brigade par le général en chef Moreau. Malheureusement la chance l’abandonne la même année, lors de la bataille de Rastatt. Alors qu’il charge une nouvelle fois à la tête de ses troupes (il a déjà eu deux chevaux tués sous lui), un boulet lui emporte la jambe. Finies les longues chevauchées et les campagnes militaires. Il doit accepter une affectation administrative au service des cartes, se marie puis obtient un poste d’inspecteur aux revues, chargé de contrôler les finances des régiments.

C’est en 1803 que Napoléon le charge d’organiser et de diriger à Saint-Cyr une école militaire qui accueillera de jeunes enfants boursiers désireux de faire carrière dans l’armée. Mais très vite, ce prytanée est transféré à La Flèche et les jeunes enfants remplacés par des élèves officiers venant de Fontainebleau. Saint-Cyr devient alors l’École Militaire d’Officiers et Jacques Bellavesne restera à sa tête jusqu’à la chute de Napoléon, devenant au passage Général de division et baron d’Empire. Comme beaucoup d’officiers, lors de la première Restauration, il est décoré par le roi de la Croix de Chevalier de Saint Louis, avant d’être placé en demi-solde et prié d’aller cultiver ses choux à Milly-la-Forêt où il possède une maison.

Il retrouve son poste au retour de Napoléon et pour marquer sa satisfaction, fait don au gouvernement d’une coquette somme pour équiper les gardes nationales. Après Waterloo, il se fait remarquer une dernière fois lorsque les troupes alliées arrivent à Paris. Ses élèves ayant réclamé des armes pour aller les combattre, Bellavesne les fait consigner dans leurs quartiers. Une petite délégation prussienne est en effet déjà dans les murs pour discuter de leur reddition. Pour compliquer les choses, une troupe de Fédérés se présente dans la cour d’honneur pour exiger qu’on libère les élèves et qu’on leur remette des armes et les Prussiens. Bellavesne s’avance alors seul face à cette troupe menaçante et déclare que,  « devant compte des armes au ministre, des élèves à leurs parents, de ses hôtes à l'honneur, il était résolu à ne livrer ni les uns ni les autres ». Son attitude en impose suffisamment pour ramener le calme, mais cela ne lui évitera pas la mise à la retraite d’office au retour du roi. Il s’installe donc de façon définitive à Milly-la-Forêt où il mène sa maisonnée et sa famille avec la même rigueur qu’autrefois ses hommes et ses élèves, appliquant des principes qu’on peut juger désuets, mais qui ne manquent pas de grandeur. « Dans le malheur, courage et fierté, dans la prospérité modération et modestie ». Il décède en 1826.

Un buste de Jacques Bellavesne fut placé en 1850 dans la cour d’honneur de l’École, mais après le transfert définitif de l’École d’Officiers à Coëtquidan, on ignore ce qu’il est devenu. Cependant notre Meusien n’est pas totalement oublié, il possède une impasse à son nom à Verdun et une rue à Milly-la-Forêt. Et puis ne l’oublions pas, il fait partie des 558 officiers dont le nom figure sur l’Arc de triomphe, à Paris.

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