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Par Dominique LACORDE

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Le tournoi de Chauvency en 1285

Au Moyen-Âge, la naissance du blason ou plutôt d’un signe simple, distinctif, commence avec les Croisades et les Templiers. Les blasons, les armoriaux sont omniprésents au Moyen-Âge. En voici un bel exemple. Le récit du tournoi de Chauvency, signé du nom du trouvère Jacques Bretel, et dédicacé au comte Henri IV de Salm, raconte les festivités données par Gérard de Looz, seigneur de Chauvency, et son frère le comte de Chiny, Louis V de Looz (1268-1299), établi à Montmédy, fils d’Arnoul IV de Looz et de Jeanne de Chiny, en 1285, dans le petit village de Chauvency-le-Château, proche de Montmédy (55). Ils organisent, dans le cadre du château, de somptueuses festivités et y invitent pour des joutes et pour un tournoi plus de cinq cents chevaliers avec leurs dames et leur suite, hérauts d’armes, pages, serviteurs, écuyers, palefreniers, valets, ménestrels, musiciens… Pendant six jours, plus de cinq cents chevaliers sont venus d’Alsace, de Lorraine, des rives du lac Léman ou des rivages de la mer du Nord, de Rhénanie-Palatinat, d’Alsace, de Bourgogne, d’Artois, du Berry, du Sancerrois, de France et même d’Angleterre. Des rois et ducs y participent : Rodolphe de Habsbourg, roi d’Allemagne et empereur des Romains, Ferri III, duc de Lorraine, Ottakar, roi de Bohême, Jean Ier de Brabant, Thiébaut II, comte de Bar. Tous vont participer à des tournois et se confronter dans des joutes guerrières.
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Dans le blason de Chauvency ; on retrouve les couleurs rouge et or des seigneurs de Loos de Chauvency. Armoiries composées par D Lacorde et D Larcher

Des couples et des clans sont présents, entre autres, les Luxembourg, les Bar, les Chiny, les Looz-Chauvency, les Florenville, les Salm d’Alsace, les Salm-Blâmont, les Blâmont, les Apremont, les Commercy, les Ouren, les Linange, les Briey, les Boinville, les Avillers, les Trie...

Les joutes à la lance sont au nombre de cent par jour avec à côté des tournois et des défilés de toute la chevalerie.

En 1285, la joute est le nouveau sport chevaleresque à la mode. Il s’agit de rompre la lance de son adversaire et de l’abattre dans un choc brutal, bref et violent. La joute met en scène l’individu.

Bretel raconte de nombreuses joutes, pas toutes. La première oppose Ferri de Chardogne à Huart de Bazentin. Très violentes, les lances se brisent, les chevaliers tombent, piétinés par les chevaux ; ils perdent connaissance et sont blessés. Les hérauts d’armes qui arbitrent les joutes font des reproches aux dames des tribunes qui poussent à la violence.

La mêlée du tournoi qui, en fait, mimait la guerre est une joute collective, souvent confuse, opposant plusieurs adversaires dans une mêlée générale. Beaucoup restent sur le terrain, blessés. « De tous côtés et en tous sens, ils accourent plus de cinq cents ». Ainsi parle le récit de Bretel.

Les hérauts d’armes jouent les présentateurs, animateurs au service des seigneurs qui les ont engagés. Ils présentent leur seigneur en criant leur cri d’armes ou cri de guerre aussi important que le blason. On crie le nom de sa famille ou de la maison dont il est issu ou le cri de la bannière. Le cri annonce le chevalier qui entre au champ de joute.

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Le trouvère Jacques Bretel fera un récit détaillé, épique et circonstancié, écrit en vieux français, de 4500 vers, sur ce tournoi avec en particulier les noms de tous les participants et de leurs dames et la description de nombreux blasons dans le texte ou les miniatures. Il brosse le tableau de la vie que mène l'aristocratie, à l'occasion d'un événement festif et social de première importance en cette fin de XIIIe siècle. 

C’est un témoignage fabuleux sur l’époque.

Jacques Bretel raconte ces fêtes brillantes où l'on joue, joute, rime, boit, chante, danse et rit, dans un reportage très poétique. « Beaucoup y eut de vins et mets : chacun y eut ce qu’il voulait ». Le soir, des représentations théâtrales ont lieu, mais, également, on fait pénitence et on demande pardon à Dieu pour les insultes et le sang versé. Bretel officie cette cérémonie du pardon. Les Chiny se sont ruinés en de pareilles festivités !

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Armorial le Breton dit Montjoie-Chandon. XIIIe  siècle. Coll privée

Bretel est un trouvère-poète itinérant qui va de château en château Il connaît déjà bien un grand nombre des chevaliers présents au tournoi. Il vit dans les limites de la Meuse célébrant surtout demoiselles, dames et chevaliers. Il a parcouru les rives de la Meuse, de l’Ornain, de la Chiers, de la Semois. Il fréquente la cour des Luxembourg. Les premiers récits parus sur le tournoi sont destinés aux seigneurs et rois ayant combattu ; ils sont pleins d’enluminures magnifiques et de dessins de blasons, mais ils ont disparu. Le manuscrit d’Oxford recopié plus tard d’après un écrit antérieur n’est que l’œuvre de copistes et miniaturistes.

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Miniature du Tournoi de Chauvency, Manuscrit d’Oxford daté du milieu du XIVe siècle. (Bibliothèque bodléienne, MS. Douce 308). Joute d’Henri de Blâmont contre le sire de « Gevigni ». À gauche, Henri de Blâmont porte « de gueules à deux saumons d’argent ». À droite, le sire de « Gevigny » (Juvigny) porte « d’azur à une croix d’or endentée ».

Sources : Nouvelle Revue Lorraine N° 12. Juin 2012 et extraits du récit de Bretel.

(Les photos ci-dessous peuvent être agrandies d'un simple clic)

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Tournoi de Chauvency (1285)

 

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