Logo litterature jeunesse10-octobre-1.jpg2022

Par ELLIE et Patrick LAGNEAU

Deltour cecile3     Lagneau patrick2

HECTOR ET LE TUNNEL

2022 10 hector1

Hector et son cousin Phil, en vacances chez lui, ont repéré au milieu de la forêt, une voie ferrée et un tunnel d’au moins six cents mètres de long creusé sous une colline. Ils ont aussi remarqué que, deux fois par jour, un train avec des wagons de marchandises quittait la ville et traversait ce tunnel pour rejoindre une autre ville.
Ils ont observé son passage plusieurs fois et ont remarqué que pour entrer dans le tunnel, il ralentissait.

Un jour, Hector dit à Phil :


— Tu te souviens qu’on voit le train arriver de loin… Et quand il entre dans le tunnel, il ralentit…

— Ouais, ouais, j’ai déjà vu ça, bien sûr
!

— Tu sais ce qu’on va faire
? On va aller à l’entrée du tunnel. Il y a des niches qui servaient aux cheminots pour se mettre à l’abri au passage des trains. On pourra s’y cacher. Quand le train passera au ralenti devant nous, on courra après le dernier wagon et on sautera sur les deux tampons et…

— C’est quoi les tampons
?

— Les tampons
? Ce sont des trucs à l’arrière et à l’avant pour amortir les chocs entre deux wagons en cas d’accident ou pendant le transport.

— Ah ouais, ouais
! Et puis après? On fait quoi? On peut s’asseoir dessus?

— Après
? Ben oui! Après, on reste assis peinards et on se laisse transporter par le train pendant la traversée du tunnel. On sera des passagers clandestins…

— Ah ouais, c’est cool, ça
! Mais comment on descendra?

— Juste avant que le train ne sorte du tunnel, donc avant qu’il accélère, on descend en se tenant après les tampons, et on court en même temps que le train. Quand on est à la même vitesse que lui, on lâche les tampons et on n’aura plus qu’à ralentir notre course et le regarder partir.

— Ah ouais, tu es génial
!

— Et le mécanicien qui conduit la locomotive ne nous verra pas, puisque nous serons descendus dans le tunnel quand il ne fait pas encore tout à fait jour.

— Ouais, ouais, c’est une bonne idée
!

Motivés par l’aventure qui les attend, ils partent donc dans la forêt, rejoignent l’entrée du tunnel. Ils suivent du regard les rails qui conduisent là-bas, jusqu’à la ville qu’ils aperçoivent au loin, dans la campagne.

— D’ici, on verra le train approcher…

Un coup de sifflet plus tard, ils aperçoivent enfin le convoi tant attendu, tiré par la locomotive.

— Ça y est! Le voilà! Oh dis donc, tu as vu… il y a plus de wagons que d’habitude, remarque Phil.
— Tant mieux. Comme ça, il sera obligé de rouler moins vite pour traverser le tunnel. Ce sera plus facile pour courir après le dernier wagon, de sauter sur les tampons et d’en descendre. Allez, viens
! C’est le moment…

Ils pénètrent dans le tunnel et vont se cacher dans la première niche située à environ vingt mètres de l’entrée.
Blottis à l’intérieur, anxieux malgré tout, ils attendent.

Le bruit des roues des wagons sur les rails leur permet de contrôler à l’oreille la progression du train. Et plus il se rapproche, plus le bruit devient fort.

— J’ai un peu la trouille, avoue Phil.
— Ben oui, moi aussi. Mais c’est normal. C’est un truc qu’on n’a jamais fait…

Le bruit des roues sur les rails devient de plus en plus assourdissant.

— Non, mais j’ai vraiment la trouille, hein!
— Allez, ça va bien se passer. Le…

Le boucan d’enfer au passage de la locomotive devant la niche interrompt Hector et surtout empêche Phil d’entendre ce qu’il dit. Collés au fond de la niche, ils regardent les wagons passer les uns après les autres.

— C’EST BON, hurle Hector, REGARDE, LE TRAIN RALENTIT… ÇA VA ÊTRE UN JEU D’ENFANT

Et le dernier wagon passe devant eux.

— Allez, on y va! lance Hector.

Les deux gamins sortent de la niche et commencent à courir après le dernier wagon. Comme l’a prévu Hector, vu la vitesse réduite du train, c’est un jeu d’enfant. Ils agrippent chacun un tampon et hop, ils sautent pour s’y asseoir.
Tout heureux d’avoir réussi, ils disparaissent, hilares, dans l’obscurité du tunnel.

Seulement, ils ne se sont pas aperçus, dans le noir, que le train accélérait.

Si bien que, lorsqu’ils veulent descendre des tampons avant la fin du tunnel et courir à la même vitesse que le train, il va beaucoup trop vite. Les traverses en bois sur lesquelles reposent les rails défilent à toute vitesse. Il est impossible de courir aussi vite
!

Soudain, le train sort du tunnel. Sur le dernier wagon, assis sur leurs tampons, Hector et Phil se retrouvent en pleine lumière du jour.

— Oh là, là! Qu’est-ce qu’on fait dit Phil? J’ai trop la trouille… J’ai trop la trouille…

Dans la panique, il commence à descendre du tampon.

— Tu es fou, dit Hector, tu n’y arriveras pas… Ça va trop vite…
— Si, si, tu vas voir, je vais courir à la même vitesse…

— Non, c’est trop dangereux
!

— Si, si, je vais y arriver…

Phil descend, s’accroche à deux mains à son tampon et commence à courir, courir, courir…

Mais la vitesse du train est trop importante, et Phil ne parvient pas à l’égaler. Emporté par la vitesse, ses pieds rebondissent sur les traverses, et son corps ressemble à un drapeau flottant au vent…

— Remonte! crie Hector.
— J’peux pas
! J’peux pas!

— Tire sur tes bras pour remonter
!

— Non, j’peux pas, j’te disj’ai plus de forces

Et c’est à cet instant, épuisé, qu’il lâche le tampon.
Hector, encore assis sur le sien, voit son cousin Phil tomber et rebondir une fois, deux fois, trois fois, avant de s’immobiliser entre les rails.

Alors qu’il s’éloigne, emporté par le train, il le voit se relever malgré tout et lui fait de grands gestes.

— Vite Hector! Vite!...

Ah oui, réfléchit Hector, le convoi commence à amorcer une grande courbe… Phil doit me dire de faire quelque chose avant que le mécanicien ne m’aperçoive… Mais je ne vais surtout pas descendre comme lui… Je n’y arriverai pas non plus… Non, il faut que je saute comme je l’ai vu faire dans les films…

Aussitôt Hector se met debout sur le tampon, repère sur le bord de la voie ferrée une zone avec de l’herbe et, sans hésiter, il saute et fait un roulé-boulé dès que ses pieds touchent le sol.
Phil
qui a suivi la cascade crie de plus belle :

— Vite Hector! Vite!...

Hector se dit :

Ah oui, il veut me dire que le mécanicien peut me voir…

Ni une, ni deux, Hector plonge dans les buissons qui bordent la voie ferrée et reste bien caché.

Ici, je suis tranquille, pas de danger que le mécanicien me voie…

Et il entend à nouveau Phil.

— Hector! Dépêche-toi! Viens vite! Viens vite!

Hector sort du buisson, regarde en direction du train. Bien. Il a disparu. Hector regarde Phil qui lui fait toujours de grands gestes. Là, il pense qu’il doit se passer quelque chose pour que son cousin insiste autant.

Il court vers lui et en approchant il se rend compte d’une chose terrible : la chemise de Phil est ouverte, déchirée, et sa poitrine est tout éraflée, en sang.

— Wouah! Vite, il faut qu’on aille te soigner…

Ils vont jusqu’à une source, et Hector, avec son mouchoir qu’il trempe dans l’eau, entreprend de nettoyer les plaies sur la poitrine de Phil. Dès qu’il a terminé, ils rentrent à la maison. Mais que vont-ils donner comme explication à la maman d’Hector, donc la tante de Phil?
Et bien sûr, la tante de
Phil s’affole lorsqu’elle voit son neveu aussi amoché.

— Oh là, là! Mais qu’est-ce que tu as fait?

Et là, Hector a une idée de génie.

— Oh, tu sais, Maman, on a voulu jouer à Tarzan. On a grimpé dans les arbres et on a sauté avec une liane comme lui, mais quand Phil s’est lancé, la liane a cassé, il est tombé et il s’est égratigné dans les ronces et les buissons.

— Eh bien, dis donc, tu ne t’es pas loupé! Allez, viens ici que je te soigne.

Le soir, quand le papa d’Hector rentre du travail, Maman lui raconte l’histoire. Mais Papa n’y croit pas. Pas du tout. Parce qu’il a vu que sur le pantalon d’Hector et sur celui de Phil, au niveau des fesses, il y a des taches de graisse et de rouille. Le genre de graisse et de rouille qu’on ne trouve que sur les trains. Papa a tout compris.
Il appelle les deux gamins.

— Phil! Hector!... Venez voir un peu ici! Depuis quand on trouve de la graisse et de la rouille quand on monte dans les arbres et sur les lianes pour faire comme Tarzan?

Phil et Hector se regardent en silence. Ils savent bien que Papa a tout compris.

— C’est vrai, Tonton, dit Phil.
— Oui, c’est vrai, Papa, confirme Hector.

— Alors
? Maintenant, dites-moi la vérité! demande papa.

Phil fait signe à Hector de raconter. Hector baisse la tête et, en bafouillant un peu, avoue :

— Eh ben… euh… on… on a couru après le dernier wagon d’un train… sous le tunnel… pour sauter sur les tampons, mais… mais on voulait descendre avant… avant qu’il sorte du tunnel, mais… mais… il a accéléré quand… quand il était dans le noir et on… on ne s’en est pas aperçu… et pour… pour descendre… on a dû sauter… c’est… c’est là que Phil s’est fait mal…
— Alors là, bravo
! Mais vous êtes vraiment inconscients. Vous auriez pu vous tuer… Bon, eh bien, demain et après-demain, vous serez privés de sortie. Et vous resterez chacun dans votre chambre, jusqu’à ce que la punition soit levée. Cela vous permettra de réfléchir.

Les deux gamins baissent la tête et se disent que là, ça devait être une grosse bêtise.
En tout cas, plus jamais ils ne sont montés sur le dernier wagon d’un train.

Et même, ils ne sont plus jamais allés du côté du tunnel.

2022 10 hector2  

Bas retour page precedenteBas pp mensuel d

Lectures de cette page
web counter

Ajouter un commentaire