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Par Jean-Luc QUÉMARD

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L’histoire des boulangers et du pain avant et pendant la révolution
(Partie II)

Une autre disposition date du 10 septembre 1792 de l’an premier de la république mentionnant les taxes sur le pain et la viande de boucherie. Concernant le pain, la taxe sur le pain blanc s’élève à 3 soles et 10 deniers – la taxe sur le pain bis blanc à la même somme et pour le pain bis, à 2 soles et 6 deniers. Les mêmes contraintes et mesures y figurent, elles concernent aussi les bouchers : «  Enjoignons aux uns et aux autres d’afficher dans le lieu le plus apparent de leurs boutiques un exemplaire de la présente taxe qui leur sera distribué, à cet effet et enfin de recevoir les papiers monnaie en payement de leurs marchandises » et d’ajouter « les commissaires de police demeurent spécialement chargés de veiller à l’exécution de la présente délibération qui sera imprimée, lue, publiée et affichée partout ou besoin sera afin que personne n’en prétende cause d’ignorance ».

Ce genre de disposition s’applique à chaque fois que le prix des grains change, à ce titre, les taxes sur la période d’août 1790 à juin 1792 sont modifiées une petite dizaine de fois.

Qu’entend-t-on par pain blanc ?

Au XIVème siècle, les boulangers fabriquent principalement quatre sortes de pain : le pain blanc dit de Chailly ou Chailli, le pain coquillé (pain bis blanc), le pain de chapitre (ou pain broyé ou brié) dont la pâte épaisse est battue avec deux bâtons, et le pain bis, le plus grossier.

Sous Louis XIV, le pain s’allonge et devient plus blanc. Le premier pétrin est inventé par Solignac en 1751 et la première école de boulangerie ouverte par Parmentier en 1780. Dans les années précédant la Révolution, le manque de pain ou le pain de mauvaise qualité est fréquent. Après 1789, fini le pain noir pour les pauvres et le pain blanc pour les riches : un pain de l’égalité est imposé. Les brimades administratives révolutionnaires réduisent cependant les boulangers à la misère. La loi du 17 mars 1791 supprime les corporations et permet aux boulangers d’exercer librement leur métier. La banalité (impôts sur l’utilisation obligatoire du four du seigneur) est supprimée en 1793.

La farine bise nécessaire à la fabrication du pain bis blanc se caractérise par son taux d'extraction (blutage) et son type (taux de cendre, c'est-à-dire de résidus solides après combustion d'une farine par rapport à sa matière sèche, (multiplié par 10 000). Elle a un taux de blutage de 80 % à 90 %. Son type est souvent 80 (0,75 à 0,9 % de matière non combustible).

Cette farine peut être produite à partir de plusieurs céréales et peut contenir du son (15 %) de la céréale. À cette époque, la fabrication des pains est conçue selon si, c’est de la farine blanche, farine bise ou farine complète.

Concernant les mesures drastiques sur la profession des boulangers, il existe déjà en 1734 au chapitre XXXIX de l’arrêt de la cour de Parlement du 1er avril 1734, Police générale de la ville de Verdun, « Qu’il sera enjoint aux boulangers de tenir leurs boutiques garnies de bon pain de trois qualités et du poids requis, d’avoir dans leurs dites boutiques des poids bien étalonnés et marqués, une balance pour peser dont les bassins et plateaux seront élevés d’un demi-pied au moins au-dessus de la table avec des cordages égaux, auront en outre une feuille de la taxe dans le lieu le plus apparent de leurs boutiques à laquelle taxe, « ils seront tenus de s’y conformer, à peine de cent livres d’amende par chacune des contraventions et de déchéance de maîtrise en cas de récidive. Qu’il sera fait défense aux dits boulangers d’entrer dans la Grange publique, avant neuf heures, en Été et dix heures en Hyver (dans le texte) à peine de dix livres d’amende. »

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Concernant les mesures prises à l’encontre des meuniers, « que les arrêts et ordonnances rendus à l’égard des meuniers seront exécutés, ce faisant, qu’ils seront tenus de mettre des grilles sur les trémies de leurs moulins et de les entretenir en bon état, comme aussi d’avoir des balances, des poids, marqués et étalonnés pour rendre en farine et en son, la même quantité qu’ils auront reçue en Bled[1], de peser le tout, soit que les moulants l’exigent ou non ».

Le tarif général et la taxe du pain sont précédés des épreuves et observations qui leur ont servi de fondement. Le 1er procès-verbal du 13 juillet 1782 stipule ce qui suit « Procès- verbaux des épreuves faites à Verdun au mois de juillet 1782 pour parvenir à la formation d’un tarif général pour la taxe du pain, proportionnément aux différents prix du Bled ».

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« En exécution de la délibération ci-dessus au bureau de la Police de déterminer avec certitude et précision la quantité des trois espèces de pain qui entrent dans le commerce de cette ville. Que pour fournir une certaine quantité déterminée par le Bled, froment pouvant être formé en conséquence au tarif général qui règle le prix de chacune des trois espèces de pain proportionnément aux différents prix du grain d’une manière équitable qui en même temps assure aux boulangers un bénéfice honnête qui les mettra en état de faire un bon service. Soit pour fixer la confiance du public ». Et d’ajouter « Sur cet objet important de notre administration, en l’assurant que ce grain de première indispensable nécessité ne se vende pas au-delà de sa valeur et puisse servir de règle aux magistrats qui nous succéderont dans nos fonctions pour y procéder avec la justice et la précision que demande un objet de cette importance ».

Cet arrêté stipule également qu’il n’est point nécessaire de recourir au froment pour fabriquer les trois sortes de pain en vigueur : le pain blanc, le pain bis blanc et le pain bis. Employer la fleur de la farine de froment est recommandé pour le pain blanc et pour le bis blanc, de la farine au seigle. Moudre ces espèces peut engendrer des impuretés que réprouvent les boulangers. Six franchards[2(franchard de Verdun) de froment sont recommandés pour les deux premières sortes et trois franchards pour le dernier.

La vérification de l’engrangement et de la fourniture de la farine selon ces nouvelles dispositions est effectuée au moulin dit l’Évêque sous le contrôle de deux religieuses de la congrégation, de monsieur Lallouette, maître boulanger, et de l’apoticaire (apothicaire) M. Sirgean.

Une liste des boulangers est établie en 1780 par le corps municipal de Verdun, mentionnant les boulangers, maîtres par brevet et les anciens restant agrégés. Le nom de M. Lallouette (colonne de gauche) figure parmi la liste des maîtres. Sous Louis XVI, le mitron apprend le métier en 18 mois.

     - 16 du premier rôle et 19 du second rôle, voir pièce ci-dessous

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Après la révolution

La situation du prix du pain ne semble guère évoluer dans le bon sens en effet, pour prendre exemple sur la ville de Vaucouleurs, des émeutes sont fomentées à cause du prix élevé des céréales, ce qui engendre en 1800 un prix du pain où le kilo vaut 45 centimes de franc, soit l’équivalent de 20€ d’aujourd’hui, ce qui établirait le prix de la baguette à environ 5€. Napoléon, 1er consul, s’inquiétant de cette situation invite les boulangers à revoir leurs prix à la baisse. Ainsi, ces derniers se réunissent et forment le premier syndicat qui a pour charge, de contrôler les prix.

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Sources, archives municipales et bibliothèque d’étude à Verdun :

   - Arrêté du corps municipal, côte D n°5 du 23 août 1790 au 9 juin 1792.
   - Arrêté du corps municipal, pièce J n°16 du 10 septembre 1792.
   - Arrêt de la cour de Parlement du 1er avril 1734, Police générale de la ville de Verdun.
   - Note de la police municipale n° 918 reçue le 18 prairial an V de l’administration centrale du département de la Meuse. (Pièce enregistrée sou le n° J 65).
   - Procès-verbal du 13 juillet 1782 fixant les prix et taxes sur les pains.


[1] Mesure de contenance locale égale à 24 coeillerées qui représentent 25,6 litres, correspondant à 2 boisseaux de Paris.

[2] Registre officiel de référencement des céréales.

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