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Par Angeline BOSMAHER
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Entre deux mondes
d'Olivier Norek
(2019)

 
Entre deux mondes

Olivier Norek naît en 1975 à Toulouse de parents instituteurs. Il quitte le système scolaire à 17 ans et s’engage comme bénévole pour l’ONG Médecins sans frontières durant trois ans. Ses expériences humanitaires lui donnent le goût de la protection citoyenne. Tout d’abord gardien de la paix, il intègre la police judiciaire notamment au groupe de nuit en charge des braquages, homicides et agressions. Ensuite, il passe brillamment le concours de lieutenant et choisit le SDPJ 93 de Bobigny à la section enquêtes et recherches. Parallèlement, il participe à des concours de nouvelles qui le conduisent aux portes de l’édition. Son premier roman Code 93, début de la trilogie du capitaine Coste, est publié chez Lafon. Suivra Surface qui reçoit de nombreux prix.

Résumé
Tout d’abord « flic pendant quinze ans et maintenant, agent dévoué de la police militaire du régime de Bachar el-Assad… Personne ne se serait méfié de lui. Peut-être réussirait-il à exfiltrer sa femme et sa fille avant de se faire abattre… » Au péril de sa vie, Adam est agent double pour sauver Nora et Maya du régime sanguinaire de Bachar. Il organise leur migration dans un endroit où il les rejoindrait. Mais arrivé au point de RV, il les attend en vain. Dans cet « Entre deux mondes », il découvre la Jungle de Calais, une zone de non-droit où le crime sévit et où la police n’ose mettre les pieds. Le premier meurtre perpétré dans ce lieu ressuscite sa vocation de flic et il part en enquête. Peut-être aussi pour ne pas sombrer, car l’espoir de voir Nora et Maya s’amenuise. Bastien, policier français récemment muté à Calais, connaît cette zone de non-droit, mais lorsque Adam lui demande son aide, il accepte d’ouvrir les yeux sur cette réalité au risque de se mettre en danger…

La trame est celle d’un roman policier dans un cadre hors norme, celui de la jungle de Calais. Il suffit d’un crime commis sur un passeur pour qu’Adam, migrant syrien et ancien flic, commence à enquêter, discrètement aidé par Bastien, son homologue français. Néanmoins, cette fiction aux allures de documentaire plonge le lecteur dans l’univers des expatriés, un univers rude, sauvage, soumis aux lois de la ″jungle″.

Les personnages sont révélateurs de deux mondes aux antipodes. Dans le ″monde en guerre″… il y a Adam, flic syrien qui fait tout pour sauver sa femme Nora et sa fille Maya en organisant leur exil vers une vie meilleure avant de pouvoir les rejoindre. Deux êtres ballotés sur les flots d’une destinée tragique. Il y a aussi « Kilani », enfant mutilé et muet, qui devient jouet sexuel lorsqu’il arrive dans le camp des réfugiés. La rencontre de l’ex-flic et de l’enfant engendre un duo de force et de tendresse, tout en pudeur avec la survie comme premier objectif. Dans le ″monde en paix″, Bastien, un autre flic, accepte d’ouvrir les yeux et de s’interroger avec humanité.

Tous les personnages sont complexes, partagés entre leurs failles et leur désir de bienveillance. Adam cache une double vie de flic syrien et d’opposant au régime, Kilany dissimule une ancienne vie d’enfant soldat, Bastien hésite à prendre des risques pour assumer son altruisme. Aucun manichéisme, juste des personnages qui essaient d’avancer du mieux qu’ils peuvent dans cette jungle qu’est devenu le camp de Calais.

En posant des noms sur des visages, Norek rend ses personnages attachants, permet une identification nécessaire pour comprendre, nous mettre face à nos contradictions, nos faiblesses, mais aussi déplorer une forme d’impuissance.

La jungle de Calais, cet entre-deux, est un décor hallucinant de violence. Le lieu est densément peuplé, l’habitat précaire, la saleté repoussante. Les groupes ethniques sont divisés et se battent entre eux de façon tribale et sanguinaire. Au migrant qui fuit la guerre dans son pays se superpose une autre guerre, celle de l’exploitation par d’autres exilés qui profitent de la situation. La loi du plus fort domine la jungle. Hors de ses ″murs ″, une ville tremble de peur et regarde souvent avec aversion ces étrangers qui débarquent et constituent un danger pour leur quiétude.

L’écriture est simple, fluide, émotionnelle.

La lecture de ce livre est parfois éprouvante, mais difficile de l’abandonner. Dérangeant par la violence et la cruauté décrites, il interpelle le lecteur, trouble son regard, perturbe ses certitudes et l’interroge avec brio. Le récit frappe fort, mais non sans raison.

À découvrir !!!

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