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Par Daniel DUBOURG
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Sommes-nous essentiels ?

Récemment, à propos de la crise sanitaire et de l’autorisation de se fournir en produits de première nécessité, un ami me disait se demander avec une pointe d’humour désabusé, si lui-même était essentiel, donc de première nécessité. Et comme il semblait en douter, je lui ai répondu par l’affirmative, que l’essentiel est ce qui est le plus important, absolument nécessaire. Modeste de nature, l’ami ne se considère ni comme le plus important ni absolument nécessaire.

— Tu es le plus important et absolument nécessaire, comme chacun, comme chaque endroit où est inscrite la vie, et donc essentiel parce que tu es et que tu fais partie intégrante de cette vie.

Il n’avait pas l’air très convaincu, l’ami.

J’ai ajouté alors que, étant sur cette terre, il avait de facto toute sa place dans l’univers. Toujours pas convaincu, il m’a répliqué que ce qui était négatif pour lui, des idées aux actes en passant par leurs auteurs, n’avait aucune raison d’être essentiel.

— Comment des individus qui s’en prennent à l’essence même de la vie, qui ne recherchent que le profit, la domination des autres, qui entravent la réalisation personnelle de leurs prochains peuvent-ils être considérés comme essentiels et mis sur le même pied d’égalité que ceux qui ont comme projet le bien, l’amour et l’harmonie, a-t-il répliqué.

Il ne faut pas oublier que nous sommes dans le monde de la dualité, des oppositions irréductibles : le noir et le blanc, le chaud et le froid, le petit et le grand. Il nous est difficile de penser qu’il existe d’autres voies que cette dualité, donc de rechercher d’autres chemins et des nuances existant entre deux termes s’opposant diamétralement.

Songeons que ce qui crée une opposition à nos propres conceptions est facteur de progrès, puisqu’une réaction engendre une contre — réaction. Le caducée où l’on voit les deux serpents monter en spirale et en opposition le long de l’axe vertical en est une illustration. Dans toutes les situations que nous rencontrons, il y a peut-être lieu de rechercher celles qui permettront de réduire, voire d’annuler les oppositions. Il est bien difficile d’admettre parfois que ce qui s’oppose à nos pensées, conceptions et convictions a le droit d’exister. De toute façon, à défaut d’adhérer, nous devons prendre acte et, au-delà, nous interroger sur la raison d’être de la situation, ses raisons, et sur le point qui constitue un problème.

— La vie va si mal ! Le monde est si fou ! Où allons-nous et comment faire pour que tout aille mieux ? me dit enfin l’ami.

Pas si simple de trouver des réponses, des solutions, surtout immédiates. On risque l’empressement, le découragement, le désappointement et, au bout, la fatigue, l’abandon et le renoncement. On sent que la tâche est bien trop lourde, démesurée.

J’ai répondu :

— Tu vas essayer de penser, mais pas tout seul, avec moi et encore bien d’autres, des centaines, des milliers, des millions… des milliards d’autres même, que tout peut, que tout va changer très bientôt. Mais pas de doute, hein ! Pas de doute, surtout. Ces petits bouts de chemin attachés les uns aux autres, ça va faire un ruban dont on ne va pas voir la fin. Et rien que pour ça, tu es essentiel !

Il a raccroché, l’ami. Je crois bien qu’il allait déjà mieux, au seul ton de sa voix, quand il m’a dit « À la prochaine ».

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