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Par Jean-Luc QUÉMARD

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Les lavandières

Agenouillées dans un inconfortable caisson,
S’épongeant d’un revers de main le front.
S’échinant, leurs noueuses mains brossant
Les oripeaux maculés de leurs enfants
Et ceux de leurs serviles pères vieillissants
Défraichis par les ingrats labeurs des champs.

Courbées vers cette margelle de pierre élimée
Par ces inlassables saisons qui passent, ces années
Qui ont marqué ces braves femmes, résignées.
Se déhanchant au gré des lessivages,
Prodiguant parfois des paroles peu sages
À l’égard des odieuses âmes du village.

Cette eau limpide, parfois glacée, peu avenante,
Dont l’onde est importunée, tantôt souillée.
De l’écume prisonnière en ces bacs empierrés,
Édifiés ainsi pour mieux martyriser
Ces lavandières dociles, parfois riantes
Au noble cœur généreux, si plaisantes
Dont la beauté est encore séduisante,
Raillant sur les despotes madones dupées.

La résonance de ce vieil édifice
Renvoyant l’écho des mots édictés
Entre ces vieux murs, témoins des sacrifices
Dévolus à ces pauvres Dames harassées
Par la souffrance subie à tant de blessures
De leurs corps exhibés, tel un supplice.
Criant leur mépris tantôt mystifié
Aux anges ou aux démons sacrifiés.

Leurs miséreux bras nerveux, décharnés
Par les rituels et incessants battages
Des draps aux effluves de l’amour,
Complices des ébats désormais éteints,
Perdant de leur superbe de jour en jour
Ne pouvant être ressuscités, en vain
À la faveur du fragrant savon de Marseille,
Dont la ténue senteur est pure merveille.

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Commentaires

  • Jean-Luc Quémard

    1 Jean-Luc Quémard Le mardi, 09 février 2021

    Chère Madame, je vous remercie pour votre propos bienveillant. Je suis heureux et surpris de savoir que ce poème est lu par nombre de personnes, en accord avec ce texte issu de mes souvenirs d'enfance. Dans mon ouvrage "Une jeunesse au temps des mirabelles", je décris les peines et les joies d'une époque aujourd'hui révolue.
  • MORIN Martine

    2 MORIN Martine Le dimanche, 07 février 2021

    Que dire de plus que madame Licciardi, je suis tellement en accord avec ses paroles.
    Merci monsieur, ce poème est magnifique, et le travail de nos mères et grands-mères est reconnu autrement que
    la "distraction joyeuse" qu'on leur attribuait souvent, même si ces moments de labeur partagé avec leurs compagnes
    leur permettait des échanges bénéfiques. Merci et bravo.
  • Jean-Luc Quémard

    3 Jean-Luc Quémard Le mardi, 02 février 2021

    Je vous remercie chère lectrice pour votre propos bienveillant. En effet, je me souviens lors de mon enfance avoir accompagné souvent ma mère et ma grand-mère au lavoir municipal. Des pensées affectueuses pour ces femmes courageuses sont venues récemment occuper mon esprit qui est absorbé actuellement par l'écriture d'un article sur ces bâtisses communales qui je pense, paraîtra dans le Porte-Plume au cours du printemps. Bien à vous.
  • Régine Licciardi

    4 Régine Licciardi Le mardi, 02 février 2021

    Comme il est beau ce poème !
    Souvent, à l'évocation de lavandières, on a l'image de femmes rieuses, barbotant dans l'eau claire, au soleil .
    Jean-Luc évoque ,lui , celles pour qui la lessive au lavoir, était plus une corvée qu'une partie de plaisir, celles qui ont plongé leur mains dans l'eau glacée, et souffert à genoux sur des caissons, afin que leur famille reste propre et digne.
    Il rend un bel hommage à toutes ces femmes de jadis, d'un temps pas si lointain que cela ,juste avant que le confort et les appareils modernes n'entrent dans les maisons, et à travers elles, à sa mère et à sa grand-mère .
    L'émotion nait à la lecture de ces vers . Bravo !

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