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Par Jean-Luc QUÉMARD

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La verdunisation

 (Toutes les photos peuvent être agrandies d'un simple clic) 

Ce terme peu usité est sans doute méconnu de la plupart des Verdunois et des Meusiens, voire de beaucoup de Français.

La verdunisation est une technique de désinfection de l’eau impropre à la consommation, mise au point en septembre 1916. Cette méthode est l’œuvre du colonel Philippe Bunau-Varilla (diplômé de polytechnique, ingénieur de l’arme du Génie), directeur des eaux de la deuxième armée, celle qui combat sur le front de Verdun. Par ailleurs, ce brillant officier, suite à un bombardement, perd sa jambe droite.

Lors de la bataille de Verdun, en l’absence d’un ravitaillement en eau régulier, les Poilus souffrent essentiellement de la soif. La station de pompage de Tavannes construite en 1890, située dans un secteur convoité par les Allemands (entre le fort de Vaux et de Tavannes) est bombardée dès le début de l’offensive et les canalisations enterrées peu profondément sont détruites. Le ravitaillement en eau des citernes de certains forts et ouvrages devient alors très problématique. La quasi-destruction du réseau de voies ferrées (de largeur 60) servant aux approvisionnements, reliant les principaux ouvrages ou des secteurs de tranchées, fait que ledit ravitaillement est pratiquement réduit à néant. Ajouter à cela que la chaleur de l’été n’arrange aucunement cette situation pour le moins délicate. Le champ de bataille est bouleversé, labouré, retourné. Les trous d’obus transformés par temps de pluie en mares d’eau sont infectés par les cadavres humains et d’animaux en putréfaction. L’eau stagnante, impropre, puante est la cause de beaucoup de maladies hydriques très redoutables (choléra, dysenterie, typhoïde) chez certains de nos soldats n’ayant pas résisté à la boire pour étancher leur soif insupportable. Il devient donc urgent de trouver un moyen pour que les Poilus dont les gorges sont asséchées par les gaz, la poussière et la chaleur puissent se désaltérer convenablement et continuer la lutte dans de meilleures conditions. Le haut commandement face à cette problématique dépêche le directeur des eaux de la deuxième armée en la personne du colonel Bunau-Varilla pour résoudre rapidement ces difficultés. Il s’emploie à trouver un système de désinfection de l’eau qu’il met au point en peu de temps.

Ce système est basé sur le principe de la javellisation : ajouter du chlore dans l’eau puis en faire disparaître l’excédent et le goût par adjonction d’hyposulfite de soude. Cette méthode devient vite contraignante en temps de guerre car le chlore est rare et coûteux, qui plus est, le goût de l’eau en est fortement marqué. Il réalise donc une expérience : réduire le volume de chlore de 90% dans l’eau et vérifier si tous les microbes sont éliminés. Cette expérience est réalisée au moyen d’un appareil muni de deux récipients, un pour pomper l’eau polluée, l’autre pour récupérer l’eau traitée avec, entre ces deux réservoirs, un système de purification à base de chlore qui selon le dosage permet de la rendre potable et buvable grâce à une conception permettant d’en atténuer l’odeur. Ce qui permet in fine de consommer l’eau qui, ainsi traitée, est sans odeur particulière ou nettement amoindrie. Il vient de mettre au point le procédé de la verdunisation appelée dans un premier temps auto-javellisation imperceptible.

Sa personne, sa notoriété, les résultats de-l'auto-javellisation :

Philippe Bunau-Varilla, né de père inconnu le 26 juillet 1859 à Paris où il décède le 18 mai 1940, est un ingénieur français qui s'est illustré notamment dans l'histoire du canal de Panama dont il termine la construction. Vu ses capacités à résoudre moult problèmes et vu ce qu’il a déjà démontré, la verdunisation n’est en quelque sorte qu’une petite étape dans son parcours très honorable.

En 1923, la ville de Reims applique ce procédé baptisé également auto-javellisation à doses infinitésimales et, à partir de 1925, sous l'impulsion du médecin-chef du laboratoire départemental de microbiologie, la ville de Carcassonne envisage de suivre la même voie. Une série d'expériences montre que l'efficacité du traitement est instantanée et que l'eau ainsi traitée conserve ses facultés antiseptiques.

En 1925, Carcassonne est très fière de disposer chaque jour d'environ 600 litres d'eau par habitant, bien plus que les autres villes de son époque. Le problème est que cette eau distribuée par 417 fontaines publiques (car l'eau au robinet n’est pas encore étendue) n’est pas considérée à cette époque comme potable, car elle est puisée directement dans l'Aude à la hauteur de Maquens où elle passe par des galeries filtrantes qui n'ont guère de pouvoir bactéricide, si bien que cette ville est réputée pour les ravages qu’engendrent la typhoïde. Grâce aux résultats très fiables de ce procédé, Carcassonne devient dès lors, une ville saine où les problèmes typhoïdiques disparaissent. Ces résultats spectaculaires, obtenus avec une méthode peu coûteuse, expliquent l'hommage rendu à Bunau-Varilla par la municipalité le 20 novembre 1926. Ce jour-là, est décerné à l'inventeur de la verdunisation le titre de « bienfaiteur de la ville » et il est fait citoyen d’honneur de la cité de Carcassonne. Une avenue de la ville de Maquens (Aude) porte son nom tout simplement parce qu’elle mène à l’usine de traitement des eaux de cette localité qui a mis à profit cette technique.

À Paris, c’est seulement en 1932 que le réseau civil d’eau est stérilisé par le système mis au point par le colonel Bunau-Varilla. Il est ensuite employé dans toute la France mais également en Espagne, au Sénégal et en Indochine. Aujourd’hui encore, lorsque vous plongez dans l’eau chlorée et saine des piscines municipales, elle protège nageurs et autres baigneurs des contaminations. C’est grâce à cette découverte faite à Verdun.

Bunau varilla Panama
Le colonel
BUNAU-VARILLA
Schema
Schéma de l’appareil de la verdunisation

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