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Par Daniel DUBOURG
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Qui se souvient encore des interviews imaginaires du Canard enchaîné ? En ce milieu d’été, je me suis piqué au jeu de l’entretien, pour le simple plaisir de ne pas paraître sérieux dans un propos qui n’a rien de philosophique, mais qui peut ouvrir la porte à quelques considérations.

Voici donc ce bref entretien.

Ainsi, elle serait plate…

— Président, j’allais presque dire, contre vents et marées, vous affirmez que notre terre est plate, ceci malgré toutes les preuves rassemblées par des observations scientifiques nombreuses depuis longtemps accumulées.

— Que voulez-vous, les gens pensent ce qu’ils veulent et croient ce qui leur semble vrai. Après…

— Vous avez donc pris une position isolée, vraiment étonnante, pour notre époque.

— C’est vrai. Mais je tiens à rester un homme vrai et à montrer que j’ai le courage de mes opinions.

— Voilà qui vous honore, bien sûr. Cependant, au-delà de votre prise de position courageuse et ferme, je souhaiterais effleurer du bout du doigt quelques conséquences physiques inévitables résultant ou pouvant résulter de la théorie de la planéité de notre planète. D’ailleurs, là, plan et planéité sont des mots cousins qui pourraient justifier la position que vous avez adoptée.

— Nous y sommes.

— Donc, si la terre est plane et non une sphère bossue, vous conviendrez que, comme une sorte de tarte, elle a une limite, et que, par voie de conséquence, lorsque nous arrivons au bord, c’est la chute dans le vide assurée, si nous nous penchons.

— Sans doute, mais par prudence personne ne va au bord.

— Mais que dire des gens qui habitent au bord et qui sont en permanence exposés à un risque ?

— Je pense qu’ils font attention et redoublent de prudence. Il s’agit de la ligne d’horizon qui marque l’extrémité, tout de même ; et il ne peuvent ignorer cette information, cette réalité.

— Comment donc expliquer que cette ligne semble reculer visuellement, plus nous avançons ?

— J’avoue qu’il est bien difficile de tout expliquer !

— Mais les preuves de la rotondité de notre planète sont désormais nombreuses et tout permet d’expliquer les raisons pour lesquelles la ligne d’horizon n’est jamais fixe, car elle n’est qu’une photo instantanée prise à un moment et en un endroit précis par notre œil.

— Voilà bien qui prouve que chacun a le droit de se faire l’opinion qu’il veut.

— Autre chose. Si la terre est plate, elle a cependant une certaine épaisseur, vous en conviendrez, en même temps que vous acceptez qu’il y ait des creux que nous nommerons fonds abyssins et des bosses que nous nommerons montagnes, pour simplifier.

— Je vous l’accorde. Jusque-là rien d’extraordinaire.

— Déjà, à votre avis, quelle surface est occupée par la gent humaine ? La surface supérieure, la surface inférieure ou les deux ? Et que dire de la tranche, de l’épaisseur de la galette ?

— Sans doute les deux. Il n’y a pas de raison. Les gens ont le droit de vivre où ils le veulent. Quant à l’épaisseur, elle doit être forcément inhabitée, car on ne peut s’y tenir debout.

— Concernant la force gravitationnelle, on imagine assez mal comment font pour ne pas tomber, les gens qui vivent « sous la tarte », mais sans aucun doute, la tête à l’envers, pour prendre une formule imagée.

— La fameuse force gravitationnelle que vous évoquez existe et donc agit.

— Admettons. Pour aller un peu plus loin, de nombreux satellites équipés d’appareils sophistiqués permettent de voir et de photographier les planètes, au moins celles de notre système solaire, et de démontrer de visu, que notre terre est sphérique, disons une boule irrégulière, imparfaite et rugueuse dont la forme justifie le pouvoir d’attraction. Qu’en dites-vous ?

— Une fois encore, je voudrais redire que l’on peut raconter tout ce que l’on veut. Il est si facile de falsifier et de faire croire que telle ou telle chose est une vérité. La preuve nous en est donnée quotidiennement dans de nombreux domaines. On peut manipuler à l'infini par les mots et les images, vous savez !

— Vous ne croyez donc que ce que vous voyez et pouvez vérifier.

— Vous avez, cher Monsieur, parfaitement résumé la situation et ainsi exprimé et résumé ma position.

— Notre entretien touche à sa fin. Une dernière chose, si vous le permettez : pensez-vous que les positions philosophiques et religieuses que nous avons peuvent avoir, consciemment ou non, une incidence sur notre mode de pensée et, dans l’application quotidienne, sur la gouvernance, les orientations et les décisions à prendre ?

— Bien entendu. J’en suis parfaitement convaincu.

— Je sais votre temps très précieux. Et je vous remercie de celui que vous m’avez consacré pour ce court, mais édifiant entretien.

— Je vous remercie également. Je dois désormais vous quitter, car j’ai un Conseil dans quelques minutes.

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