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Par Daniel DUBOURG
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Le fruit du hasard

Paul se rend à X, en voiture pour y voir un ami. Il prend toujours la même route. Ce matin-là, il part à 9 heures. Il sera arrivé vers 9 heures 45. Il le sait, car il roule toujours à la même vitesse et respecte toutes les limitations. En outre, il ne devrait pas rencontrer d’événements inattendus (embouteillages, travaux, feux tricolores) et les conditions atmosphériques sont souvent constantes à cette heure-là et à ce moment de l’année. En gros, pas de variables.

Line se rend à X en voiture où elle va déjeuner avec sa grand-mère. Elle prend la même route que Paul, qu’elle ne connaît pas du tout. Elle a quitté la maison vers 8 heures 45. A 9 heures 30, c'est la panne à quelques kilomètres de X ! Line gare sa voiture au bord de la route, warnings allumés et cherche dans la boîte à gants les renseignements nécessaires à une demande de dépannage.

A 9 heures 30, à quelques centaines de mètres devant lui, Paul aperçoit un véhicule sur le bas-côté. Il arrête le sien et se dirige vers Line qui l’informe de sa situation. La lecture du tableau de bord de la voiture de la demoiselle montre qu’il s’agit d’une panne d’essence. Comme Paul a toujours un bidon de carburant dans le coffre, il s’empresse de secourir celle-ci en lui offrant son contenu, qui lui permettra d’atteindre la station la plus proche située à X.

Line remercie le conducteur qui l’a tirée d’affaire et, en quelques mots, tous deux expliquent qu’ils se rendent dans ce village pour des raisons précises. Ils se promettent de se recontacter et échangent leur numéro de téléphone.

Quelques mois plus tard, ils se marient. Ils diront que leur rencontre est le fruit du hasard et que ce dernier a, en l’occurrence, bien fait les choses.

Le hasard ? Mais il n’y en a pas. Chaque élément de cette anecdote était présent, tant pour Paul que pour Line, de telle façon que cette rencontre devienne inévitable. Chaque élément contribuait à son accomplissement. Et tous entraient en connexion pour assurer sa réalisation. Un seul d’entre eux manquant aurait suffi à rendre cette rencontre inexistante.

Mais bien sûr qu’il y a là la marque du hasard, diront certains, puisque rien n’était préétabli, prédéfini.

Le hasard ne tiendrait donc que dans le fait que certains facteurs agissants aient préalablement établi un plan, posé des repères de temps, d’espace (de tout, quoi !) pour que se produise un événement précis (et pas n’importe lequel !)

Le hasard signifierait que rien n’est organisé, planifié, pensé…
Ainsi, une tempête, un accident, un éboulement seraient le fait du hasard.

Des retrouvailles soudaines, un accident nucléaire, une victoire sportive, une naissance aussi ? Non, diraient certains, car l’homme peut y avoir mis son grain de sel. D’accord, mais jusqu’où, à quel point ? Et que maîtrise-t-il ensuite de tout le mécanisme de l’événement qui va se dérouler ? Peu de choses, non ?

Ce que nous nommons hasard pourrait donc procéder d’une conjonction complexe de nombreux éléments entrant en relation à un moment précis. Tout cela organisé en dehors de notre propre intervention.

Line et Paul ne se seraient pas rencontrés par hasard…
Et si Line n’était pas tombée en panne d’essence, ce jour-là, à cette heure-là…

Et si Paul avait remis sa visite à son ami, s’il était passé sur cette route… une minute plus tôt ! Et puis, pour une fois, il aurait pu prendre une autre route et musarder, s’arrêter dans une pâtisserie pour y acheter un croissant. Et cela n’aurait pas été le fruit du hasard. Les conditions abondent, mais tous les éléments sont toujours réunis pour que telle chose se produise, en dehors de notre propre champ de conscience.

Le hasard serait donc ce qui nous échappe, à nous, humains, qui voulons beaucoup maîtriser. Et ce n’est sans doute pas un hasard si la réflexion est toujours ouverte, sur ce sujet.

Si par hasard, vous n’ouvrez pas cette page pour lire ce propos, vous ne saurez sans doute pas que je l’ai écrit. Mais là, c’est trop tard, vous venez de le faire !

 

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