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Un film, un spectacle, une exposition, un musée...

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Hugues FOURMENT a vu pour vous...

 
LA LIGNE DE DÉMARCATION

de Claude CHABROL

Demarcation

Quand j'étais gamin (c'est-à-dire durant les années 70), beaucoup de films sur la résistance se référaient aux souvenirs ou récits historiques du Colonel Rémy. Ce dernier, de son vrai nom Gilbert Renault, avait été un homme important de la résistance, un espion et chef de réseau de renseignement. Bien qu'il ait contribué durant la Seconde Guerre à rapprocher le Parti communiste français du gouvernement de la France libre, on a surtout retenu de lui son profil ultra-conservateur et ses efforts pour défendre, après-guerre, l'honneur du maréchal Pétain. Il n'en demeure pas moins que ses romans de guerre, toujours bien menés et parfaitement documentés, connurent un énorme succès et firent l'objet de nombreuses adaptations télévisuelles et cinématographiques.

Parmi celles-ci, on trouve le film de Claude Chabrol « La ligne de démarcation », tiré du livre du même nom. Je ne sais pas ce que vaut le livre original de Rémy, mais le film de Chabrol tutoie le sublime. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi...

La ligne de démarcation, c'est la frontière entre la France Occupée et la France Libre. Les hommes persécutés ou traqués de la France Occupée tentaient de passer discrètement en zone libre. Pour cela, ils faisaient appel à des passeurs qui les conduisaient vers la terre promise. Seul inconvénient : les Allemands n'étaient pas trop d'accord et leurs soldats tiraient à vue sur les fugitifs...

C'est précisément ainsi que le film commence : Des hommes tentent de traverser une rivière et se font mitrailler. Puis, le sous-officier allemand chargé de surveiller la frontière, traverse le pont et, goguenard, avise son homologue français qu'il y a quelques corps abattus à récupérer sur le bord de la berge, côté zone libre.
Puis, c'est l'apparition d'un capitaine français démobilisé : le Comte de Damville (Maurice Ronet). Celui-ci prend l'autre direction et en toute légalité, allant de la France libre vers la France occupée pour retrouver son village, son château et sa jeune épouse anglaise (Jean Seberg).
Revenu boiteux, le Comte n'est pas seulement handicapé de la jambe, il l'est aussi de l'âme. Il est déçu, meurtri, résigné à la défaite et fermement décidé à ne plus prendre de risque. Seulement, ce qu'il ignore, c'est que sa femme, ses amis et ses relations du village sont tous, plus ou moins, impliqués dans la résistance... Combien de temps arrivera-t-il à conserver sa neutralité ? Et de quel côté basculera-t-il ?

On connait l'aisance de Claude Chabrol à dépeindre l'ambiance des petites villes de province. Le récit du Colonel Rémy lui permet de mettre-en-scène un village déchiré, un monde où l'héroïsme et l'honneur des uns côtoient la lâcheté et la malfaisance des autres. Grosse production oblige, le film ne sombre toutefois pas dans un portrait au vitriol, les villageois décrits restant dans leur majorité de braves gens – et de bons Français ! -, à défaut d'être tous résistants.
Mais la force du film est ailleurs. C'est sa capacité à nous faire franchir une autre ligne de démarcation, celle entre fiction et réalité. En quelques secondes de projection, on se retrouve pris dans le film, emporté par l'action et la tragédie, comme rarement.
Alors, qu'est-ce qui rend le film si efficace ? Peut-être la qualité du récit, oppressant et bouleversant, le talent de la réalisation, la belle photo en noir et blanc, la musique trouble, angoissante et très « chabrolienne » de Pierre Jansen, et enfin la qualité d’interprétation (mention spéciale au second rôle Jean-Louis Maury, terrifiant en officier de la Gestapo).

Enfin, comme dans tout bon film d'action, le film accumule des morceaux de bravoure qui s'enchaînent logiquement pour déboucher sur un ultime climax. Celui-ci sera décisif pour le Comte de Damville, ce héros incertain poussé à bout par les événements. Comment réagira-t-il ? Je vous laisse le découvrir en regardant « La ligne de démarcation » !

Le film est édité en DVD par Canal+ Images, il est facile à retrouver sur le net. Bon visionnage.

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