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Par Monique VILLAUME

Chaque mois, Monique vous propose le parcours et les ramifications de trois mots français courants.

Maître. D’abord adjectif puis nom.

Si l’on remonte la filière étymologique, avant maître était le mot maistre.
Mais vous y êtes habitués, l’accent circonflexe a depuis longtemps remplacé le S du passé, que l’on retrouve dans l’américain master et master class : le cours du maître.  
Si nous remontons encore plus loin, nous trouvons le latin magister, qui nous a légué magistral et magistrat, et fut employé pour maître d’école aux XVème et XVIème siècles.
Le mot maître apparaît dès 1160, sous la forme d’adjectif, apposé à un nom : maître-autel, maître-mot, il indique le degré le plus important du nom apposé. On le trouve encore en adjectif dans maître queux, maître chanteur, (le meilleur des… cuisiniers, des bonimenteurs).
Le milieu enseignant s’est approprié les noms maître ou maîtresse, les employant isolément.
L’appellation honorifique maître perdure dans les milieux juridiques : avocats, notaires.
Le maître est le meilleur dans une spécialité, maître d’armes, maître en peinture, en poésie, il a acquis ce grade par un diplôme, une qualification ou une longue pratique et souvent, il l’enseigne. Détenteur de l’autorité en la matière, il est légitime à en pratiquer sa pédagogie.
Le maître est un expert, il résout les problèmes d’une main de maître, il règne en maître, réalise des coups de maître ! Cette supériorité affichée a donné lieu à des expressions ironiques comme le redondant seigneur et maître. L’ironie a fini en dérision de toute une classe sociale, Maître Jacques a été le surnom moqueur donné aux cuisiniers ou aux domestiques, comme nous l’avions évoqué dans le numéro d’octobre dernier.
N’oublions pas les maîtresses, qui ne sont pas forcément des enseignantes.
La maîtresse est aussi la femme aimée d’un homme sur qui elle exerce une influence.
Le mot maîtresse est aujourd’hui le pendant féminin du mot amant, et tous deux suggèrent des amours illégitimes. 

Malin. Adjectif ou nom masculin.

Comme son féminin maligne, il est issu du latin malignus, perfide, mauvais et de son dérivé, malus, mal. Le féminin maline n’est apparu que tardivement, sur le modèle des adjectifs en in/ine, qui s’est imposé dans le langage populaire, tandis que maligne restait en grâce dans le langage correct. Jusqu’au XVIème siècle, le mot est surtout utilisé dans le domaine religieux, les Esprits malins sont des démons et le Malin est le nom du Diable. L’expression malin comme un singe vient de là, le singe étant considéré comme un diable, ainsi qu’en attestent de nombreuses représentations gothiques comme les gargouilles.
Au XVIème siècle, malin se laïcise et s’applique à une maladie nocive, par opposition à bénin, bénigne ou familièrement, bénine. Son sens actuel de rusé, habile date du XVIIème siècle.
Il a donné naissance à des expressions familières : faire le malin, ou ironiques : avoir l’air malin, gros malin. Par antiphrase, c’est malin veut tout aussi bien dire, c’est habile, que c’est stupide ! 

Maintenir et maintenant. Verbe et adverbe.

Attesté depuis 1135, le verbe maintenir est issu du latin manutenere, tenir dans la main.
Le français moderne a-t-il gardé le lien avec les deux mots qui en constituent l’origine ?
Il signifie : conserver dans le même état, comme une main qui tiendrait le temps.
Empêcher de tomber, de se détériorer, (se maintenir).
On peut bien saisir ici la finesse de l’évolution et retrouver le lien avec le sens originel.
Qu’en est-il du mot maintenant ?
C’est un adverbe, mais aussi le gérondif de maintenir, on n’y pense jamais !
-Fais-le maintenant ! L’action doit s’accomplir immédiatement, au moment où l’on parle.
Comment est-on passé à cette notion de promptitude, a-t-on gardé l’idée de tenir la main ?
J’ai trouvé un rapport que mon historien des mots n’a pas évoqué, surtout avec l’expression maintenant que. En effet, elle signifie, puisque ce point est acquis, puisque l’on tient déjà quelque chose en main, on peut aller vers une action future. Il a le sens de désormais.
Et comme j’écris cette page le 8 octobre 2018, je pense à la chanson d’Aznavour, désormais.
« Maintenant que l’on tient notre rupture pour certaine, nous ne dormirons plus ensemble ! » 

Les insolites de lady Mo en un clin d’œil.

Mari/Marri. J’ai croisé votre mari sans le reconnaître, j’en suis marri (désolé).

Marre/Mare/Marrer. J’en ai marre du langage châtié de votre mare au diable, madame George Sand, l’argot me fait bien plus marrer !

Maladroit. Ah vous êtes mal adroit, ben moi j’suis mal à gauche !

Met/Mets. Pourquoi met-il un s à mets pour un seul plat, moi j’le mets s’il y en a deux !

Maudire/Médire. Mau=mal. Maudire, dire pour faire du mal. Médire, dire du faux.

Migraine. Mi graine. Mi=demi. Vous n’avez mal qu’à un demi-crâne, du grec hémikrania !

Midinette. Les employées travaillant à Paris se nourrissaient d’un repas frugal pendant la pause de midi. On les appela les midinettes, de midi et de dinette.

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Commentaires

  • Villaume Monique

    1 Villaume Monique Le mardi, 23 avril 2019

    Merci Denis pour ce complément, “MAIS c’est bien sûr!” Mais est un plus! J’adore découvrir ce à quoi on ne pense pas en utilisant des mots pourtant si familiers. Ainsi tu as découvert notre lettre mensuelle, chouette!
  • Denis Vanderhaeghe

    2 Denis Vanderhaeghe Le lundi, 22 avril 2019

    Chouette !
    A l'entrée "maître", nous pourrions suivre avec l'étymologie de "mais", signifiant "plus" ou "au-dessus". Je m'étais posé la question à partir de l'usage de l'expression "non, mais" que beaucoup n'utilisent pas en apportant une contradiction, malgré le "non", plutôt pour renchérir.

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