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par Daniel DUBOURG

Mots de tête

Rassurez-vous, je ne vous prendrai pas la tête. J’ai déjà bien trop à faire avec la mienne et je crains trop de la perdre. C’est difficile à comprendre, car lorsque j’étais petit, et surtout à l’âge de la préadolescence, on me disait parfois et sans doute pour me faire plaisir que j’avais tout d’un coup pris une tête. J’ai bien tenté d’en faire quelques-unes en jouant au football ou d’en piquer d’autres en me jetant à l’eau, bille en tête, parvenant même à la sortir de l’eau ! Difficile de faire la mauvaise tête lorsqu’on vous adresse un compliment qui vous grandit sans pour autant vous donner la grosse tête.

On m’avait voulu indépendant et autonome : je n’en ai fait qu’à ma tête. Non, pas vraiment. J’avais bon caractère également et je ne passais pas pour une vilaine tête ou une tête de lard, genre têtu. Car voyez-vous, ceux qui sont ainsi sont peut-être bien des têtes de cochons.
Parfois un brin provocateur, il m’arrivait de tenir tête et de me voir menacé qu’on me fasse une grosse tête. Garder la tête haute en toutes circonstances et ne pas faire profil bas.
Je pensais tout simplement être assez équilibré. Pas trop bilieux, ni trop influençable, je ne me jetais dans aucune aventure, tête la première ou tête baissée : car savez-vous, une tête brûlée passe souvent pour un écervelé. Je vous laisse le soin de comparer ces images et de juger de leur signification. Il m’arrivait pourtant de tenir tête quand j’avais une idée derrière celle-ci.
Bon garçon, jamais je n’ai été traité de tête à claques.

Je ne prétends pas que ces quelques lignes soient du souvenir d’un homme de tête. Pour cela, il faut marcher en tête et savoir parfois prendre les devants tout en préservant ses arrières.
Michel de Montaigne disait qu’il vaut mieux avoir une tête bien faite qu’une tête bien pleine. Difficile à définir d’abord et ensuite à apprécier. Pour avoir une tête bien faite, il faut savoir faire la tête.

Les seuls hommes de tête que je connaisse sont ceux qui courent en avant du peloton, qui se détachent parce qu’ils veulent garder la tête et non la perdre. Ce n’est pas pour autant qu’ils foncent. Par contre, certaines femmes sont identifiées comme femmes de tête.  On perçoit tout de suite la différence de sens entre ces deux expressions : la femme de tête, c’est celle qui a quelque chose dedans, parfois même derrière. Cela s’adresse donc à la pensée, au cérébral, au caractère ; l’homme de tête est celui qui fournit un effort physique. Point. (D’ailleurs, je l’ai mis). Voilà qui fait réfléchir. Et je réfléchis. En même temps, quelque chose de très machiste me fait dire que si l’on souligne le fait qu’une femme se démarque par ce qu’elle est de tête, c’est parce que peut-être elle fait partie d’une élite, d’une frange de la population. Même pas vrai. Elles sont très nombreuses, les femmes de tête ! Concernant l’homme, aucun souci : il n’a aucune chance de rentrer dans cette catégorie. Disons simplement que cette vision des choses est inexacte, voire exagérée. Il y a des hommes et beaucoup de femmes de tête.
Dans un autre registre, signalons qu’il y a beaucoup de têtes brûlées, très peu de têtes couronnées, un nombre croissant de têtes blanches et un nombre substantiel de têtes de linotte.

Et que dire enfin de ces pointes tête homme, véritables clous que l’on enfonce vigoureusement à l’aide d’un marteau ? Que l’on n’aille pas se plaindre qu’elles n’ont rien dans la cervelle ! Je dois vous avouer que je demeure frappé par le nombre croissant de nos congénères venant se classer dans cette catégorie sociale à large spectre où cohabitent ceux qui sont à la masse et ceux qui s’y prennent comme des manches. Partant de telles constatations, pourquoi les habitants de Poitiers se mettent-ils martel en tête ?

Dans le bestiaire et le monde de la nature, nous croisons des têtes de pioches comme nous pouvons croiser ici ou là des têtes de Turc, appartenant forcément à des gens costauds qui bossent fort !
Toutes les formes d’élections sont le moment particulier de mettre en exergue les têtes de liste et pouvoir constater que certains arrivent en tête, sans atteindre pour autant la majorité.

Bien sûr, il y aura toujours ceux qui veulent être parés, vêtus de pied en cap, tirés à quatre épingles, comme leurs têtes, de la tête aux pieds. Et les gastronomes raffoleront pour la plupart d’une bonne tête de veau ravigote ou d’un modeste fromage de tête.

Les instants privilégiés sont les tête-à-tête et les moments où l’on est sans sa tête. À coup sûr, vous demeurez introuvable !
Tiens, quelque chose qui me vient en tête : l’autre jour, une voiture a fait un tête-à-queue sur la chaussée mouillée. Elle ne roulait pas trop vite, aux environs de 70 km/heure, selon mon estimation. Si le conducteur avait roulé à tombeau ouvert, j’imagine qu’il aurait eu toutes les chances d’avoir une tête de mort…

J’en conviens, mes propos sont sans queue ni tête. Ne vous la cassez donc pas trop à tenter de savoir ce que j’ai dans la mienne. Ce serait un véritable casse-tête. J’espère cependant ne pas être passé pour un casse-pieds, à vos yeux.
Ah ! avant de m’enfuir, je voudrais simplement mettre le doigt sur la nuance de taille existant entre ceux qui se cassent la tête et ceux qui se la creusent. Les têtes cassées ne peuvent pas se creuser. Par contre, l’inverse est possible. Attention cependant à ne pas s’exposer aux courants d’air toujours propices à un rhume de cerveau. Et là, je ne réponds plus de rien.
Atchoum !

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