Mots à la mode !

… Je pleure, je pleure… je n’arrête pas de pleurer. Papa… papa… je ne veux plus aller à l’école. Je pleure tout le temps. J’comprends pas ce que la maîtresse dit et j’arrive plus à écrire ses mots.

— Que se passe-t-il donc ? Lui demandé-je quelque peu étonné !

… La maîtresse dit des mots bizarres, à la fin des phrases…… des mots que je ne comprends pas du tout. C’est dur, je pleure beaucoup, surtout quand elle commence une phrase et qu’elle termine, avec ces mots, que je ne comprends pas, comme

 Aïkloflucky
Apanatchi
Arkwatch

En plus, elle m’envoie au tableau pour que je les écrive. Sur le premier, j’ai écrit « aïe » pour la douleur et puis plus rien derrière, surtout avec le deuxième où j’ai écrit « a pas », ce qui veut dire qu’il n’y a rien. Je ne me souvenais plus du reste. Après, j’ai pleuré.

— Mon fils, ce n’est pas si grave. Tout est parti d’une expression créée par un tiktokeur, dont j’ai oublié le nom, qui a utilisé le mot ‘quoicoubeh’. Il n’en fallait pas plus aux grammairiens de l’Académie Française pour repenser nos phrases et c’est ainsi que, pour mieux les valoriser, on ajoute des mots encore inconnus, comme par magie. Tu vas t’y faire. J’en suis sûr. J’ai connu cela et je m’y suis habitué. Tiens, par exemple : Blogosphère, il y a plus de 15 ans en 2008, je crois. Puis twittosphère, fachosphère, complosphère, il n’y a pas si longtemps. Plus compliqué et bizarre : babka qui vient de baba qui est un gâteau, alors qu’il désigne une vieille femme. Goji qui est une excellente baie. Métavers……etc…

… Mais papa, j’peux pas ! Moi je veux des mots simples comme je trouve sur ton smartphone.

— Redis-moi les mots qui te font pleurer !

… Ouais attends, la maitresse a voulu qu’on les écrive. Voilà… y a « Aïkloflucky, Apanatchi, Arkwatch ».

— Je comprends de mieux en mieux, j’y repense maintenant !!!
Ta maîtresse a un frère… oui, oui… elle a un frère. Je m’en souviens maintenant. Il disait toujours ces mots là quand il en avait assez d’entendre les questions de ses enfants, toujours les mêmes. En disant ces mots, il trouvait ainsi la paix. Oui, je m’en souviens, c’est un collègue de bureau.
Et vous les jeunes, vous utilisez bien le mot ‘quoicoubeh’, qui si je ne m’abuse ne veut rien dire mais c’est un jeu verbal pour piéger une personne qui dit « Quoi ».
Rassure-toi ! Je lui dirai de demander à sa sœur d’expliquer pourquoi elle dit ces mots-là ? Mais je pense qu’elle les dit lorsqu’il y a un peu trop de bruit dans la classe et je suis sûr que, même si tu pleures, tout le monde se calme.
J’en profite pour te dire que, pour les nouveaux mots, c’est une habitude à prendre. Tiens !... Moi aussi, je peux en t’embrassant, te dire :
« Ne te fais pas de bile » et j’ajoute « abracadabra », même si c’est un mot qu’on emploie peu. Aussi, retiens ce que Victor Hugo disait, sans charabia -- tu vois, pour toi, c’est un mot nouveau mais il existe bel et bien et il veut dire veut dire ‘incorrect’ ou ‘incompréhensible’ :« Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu »
D’ailleurs, puisque je parle de son frère, je peux te dire qu’il utilise le mot de mensiversaire…… Et qui plus est, c’est un mot rare.
Le mot qu’utilise mon collègue correspond à un anniversaire mensuel qui consiste à écrire, tous les mois, à ses petits-enfants, au jour de leur naissance, ce qu’ils ont dit, ont fait, ainsi que les évènements importants de la vie, personnelle, familiale, politique…... Cela, depuis l’arrivée du premier, il y a 22 ans. Il écrit en prose le plus souvent mais il lui arrive de mettre des poèmes ou des acrostiches. Cela représente beaucoup de souvenirs.
Il est en quelque sorte leur biographe et ils reçoivent ainsi, entre 5 et 10 pages par mois, par la poste.
Je ne serais pas surpris que, dans un mensiversaire, il ait mis ces 4 mots qui te font pleurer pour parler à ses enfants devenus parents, du temps de leur jeunesse où ils devaient aussi lui poser beaucoup de questions ! ‘Quoicoubeh’ n’existait pas à l’époque !!!
Allez, ne pleure plus. Toi aussi, tu trouveras des mots nouveaux…
Et pour que tu souris un peu, je te demande de me dire quel est le mot le plus long, de la langue française ?

… J’sais pas !

— Les Sages de l’Académie Française disent que c’est un mot de 27 lettres : intergouvernementalisations, mais je ne suis pas d’accord avec eux. Pour moi c’est élastique, le mot le plus long.

…Mais non papa ! Tu entends bien que ton mot est moins difficile à dire, il y a moins de lettres.

— Mon chéri, un élastique, je peux l’étirer et le rendre aussi grand que je veux.

… Ah oui !!! Je le dirai à ma maîtresse.

— Tu lui demanderas aussi, si elle connait le nom des deux villages français qui comportent le plus grand nombre de lettres. Tu verras, ça va l’amuser.

… Oh oui !!!

— Alors prends une feuille pour écrire les noms parce qu’ils ne sont pas faciles à retenir.
Ce sont Beaujeu-Saint-Vallier-Pierrejux-et-Quitteur qui se situe dans le département de la Haute-Saône et Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson qui est une commune située dans le département de la Marne.
Peut-être vous montrera-telle où se trouvent les départements en question, sur une carte de France. Et avant d’aller au lit, je t’ai parlé d’acrostiche tout à l’heure. Pour toi, c’est un mot nouveau ?

… Oui !

— Mon collègue, en a écrit un à partir du mot à la mode ‘quoicoubeh’. Tu vas vite comprendre la définition d’acrostiche. C’est un texte poétique dont les premières lettres de chaque vers forment un mot lorsqu’on les lit à la verticale :

Que me dis-tu ?
Uniquement maintenant
Oh ! C’est bizarre, tu
Inventes bêtement…
Certes, au bon moment,
Observateur que tu es
Une fois seulement
Bon ! La réponse est coupée
En disant QUOICOUBEH
Hé oui, bel instant !!!!!

— J’ajoute un mot nouveau, le dernier et tu pourras même lui demander si elle sait ce que c’est, ultracrépidarianisme… je t’expliquerai la définition demain, tu en as assez entendu pour aujourd’hui ! Allez… au lit maintenant. Je te souhaite une bonne nuit et te dis : « Aïkloflucky, Apanatchi, Arkwatch »

…Bonne nuit, papa

— Bonne nuit, chéri… fais de beaux rêves !