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Pierre Alexis PINTEVILLE
Il y a des militaires dont on ne finit pas d’étaler les faits d’arme héroïques. Encore fallait-il se trouver au bon endroit, au bon moment et être sous les ordres d’un général capable de remporter une victoire. L’inconnu d’aujourd’hui est malheureusement un véritable chat noir et n’a jamais eu cette chance. Mais son comportement exemplaire face à l’adversité ou dans la défaite lui a tout de même valu d’être décoré et anobli. Il avait certes pour cela un atout non négligeable : il était meusien.
Pierre Alexis Pinteville, nait « De Pinteville » en janvier 1771 à Vaucouleurs. Troisième fils d’un receveur royal, il fait partie de la petite noblesse et à ce titre il est destiné à une carrière militaire qu’il commence à 19 ans en intégrant le régiment du 11e dragons. Nous sommes en 1790.
Il monte rapidement en grade et passe chef d’escadron six ans plus tard, mais, prudent, il a gommé sa particule, trop aristocratique pour les temps qui courent.
Il est d’abord désigné pour faire partie des troupes du général Hoche au sein d'un corps franc de chasseurs à cheval. Leur mission : débarquer en Irlande pour soutenir les irlandais contre les britanniques. Hélas, Hoche est un bon général mais un terrien, pas un marin, et un débarquement ne s’improvise pas. Contre l’avis des commandants de sa flotte, il ordonne le départ un jour de tempête et l’opération tourne au désastre. La flotte s’éparpille et doit rentrer à Brest après avoir subi de lourdes pertes. Pas de bol pour Pierre Alexis!
Deux ans plus tard, placé sous les ordres du général Hédouville, il se rend à Saint Domingue pour combattre les britanniques et les royalistes qui tentent de s’emparer de l’île. Malheureusement, Hédouville est un général pétri de préventions raciales. Incapable de coopérer avec une armée d’anciens esclaves, il fait tout pour les écarter, sous-estimant la force et la popularité dont dispose Toussaint Louverture. La riposte est si violente qu’Hédouville doit fuir l’île par le premier bateau, suivi de près par Pinteville. Pas de bol cette fois encore !
De 1800 à 1808, Pierre Alexis est placé à la tête d’un escadron dans un régiment de chasseurs à cheval et participe aux campagnes d’Autriche, de Prusse et de Pologne. Bien que présent à Austerlitz et à Iena, son régiment est rarement cité dans les livres d’histoire. Certes, Pierre Alexis est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1804, puis obtient le grade de colonel, seulement on ne parle pas de lui. Toujours le même manque de bol !
Il est alors envoyé en Espagne. Oui, je sais, ce n’était pas la meilleure destination s’il voulait enfin briller ! Et vous avez raison ! En 1810, il participe au siège d’Astorga dont on ne parle jamais. Pourtant, le résultat a été positif (la ville est tombée), et Pierre Alexis s’y est largement distingué ! Mais le bilan de l’assaut est terrible : des centaines de tués français alors qu’il y en a à peine une cinquantaine chez les Espagnols qui ont fini par se rendre uniquement parce qu’ils avaient épuisé toutes leurs munitions. L’état-major français préférera donc passer sous silence cet épisode peu glorieux. Pas de bol une nouvelle fois !
Mais il n’est pas encore au bout de ses galères. En 1812, il participe à la campagne de Russie (!!!) sur laquelle tout a déjà été dit. Il est blessé lors de la bataille de la Moskova et son régiment de dragons est si durement amoindri lors de la retraite que Pierre Alexis en est réduit à brûler son drapeau pour éviter qu’il tombe aux mains de l’ennemi. Il parvient tout de même à rapporter l’aigle de son régiment qu’il conservera précieusement par la suite. Piètre satisfaction !
Les troupes françaises se regroupent ensuite en Autriche pour se réorganiser et lancer une contre-offensive. Mais les Autrichiens les attaquent et une bataille s’engage dans la région de Kulm. Cette fois, Pierre Alexis se fait enfin remarquer par Napoléon lors d’une escarmouche près de Toeplitz. Malheureusement, c’est parce qu’un éclat d’obus lui a arraché une partie du visage et de la mâchoire inférieure. Comme il y survit, l’Empereur le fait baron d’Empire le soir même.
Dès qu’il est remis sur pied, pourvu d’une prothèse en cuir et en argent dissimulant sa blessure, il réclame une nouvelle affectation. Mais entretemps les choses ont évolué, Napoléon a abdiqué, c’est la Restauration et il n’obtient du Roi que le titre honorifique de chevalier de Saint Louis. Il rentre donc sur ses terres en attendant des jours meilleurs. Il les croit arrivés au retour de l’Empereur qui le confirme dans son grade de maréchal de camp, mais on oublie de lui attribuer une affectation. Quand ça ne veut pas !...
Après Waterloo, il abandonne définitivement une carrière militaire qui ne lui pas apporté la gloire et rentre chez lui pour y vivre des revenus de sa baronnie. Il meurt le 27 août 1850 à Toul où il est enterré. On peut encore voir sa tombe au cimetière municipal.

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