Dubourg daniel 618 philosophe 72023

Par Daniel DUBOURG

Pardon, Vladimir

     On dit qu’une page vient de se tourner. Cela ne signifie pas que le roman est fini. À moins d’avoir longuement délaissé son livre, on a en mémoire toute l’histoire qui se poursuit à la première ligne en haut à gauche, pour certains, et à droite pour d’autres.
Il est des histoires que l’on souhaiterait oublier, ne pas reprendre, interrompre, n’avoir jamais lue, jeter au feu purificateur, avec l’espoir fervent et naïf qu’aucune autre du même cru ne viendra la remplacer.
Nous savons cependant que la répétition existe et fait partie de ce monde.

   On va même jusqu’à dire que l’histoire se répète. On pourrait d’ailleurs s’en étonner, mais force est de constater que cette règle aux allures de cercle vicieux fonctionne. Bien sûr, elles ne sont jamais exactement les mêmes, les histoires ; elles se ressemblent plus par le fond que par la forme. Encore que… Mais leurs conclusions sont communes et on y trouve au choix et dans le désordre : misère, anéantissement, égarement, douleur. On pourrait trouver d’autres mots encore, mais ces derniers sont si représentatifs qu’ils suffisent.
Il en est de méconnues, des histoires, qui n’affleurent pas ou mettent du temps à émerger. Les autres (oserions-nous dire « plus célèbres » ?) concernent tant d’humains qu’il leur est difficile, voire impossible de passer inaperçues. Toutes ont la même couleur, celle de l’obscur. Et du sang. Le temps opérant, le souvenir éloigne, édulcore, adoucit, efface ou estompe, mettant encore plus à distance, non seulement les faits, mais aussi la partie intime et profonde de chaque être qui subit, cette part d’ineffable, de difficilement communicable qui ne peut se résumer à un simple fait.

    Il y a sans doute des décideurs de misère qui choisissent une option de leur propre logique pour semer guerre et désolation, avec l’indéracinable conviction que celle-ci se justifie parce qu’elle est indispensable et répond à certains critères personnels. Désormais, on comprend mal de quelle façon sont pris en compte par ces derniers la liberté de pensée et le désir de vivre en paix. Désormais, on se trouve face au besoin d’assouvissement d’un seul être qui, dans sa logique, imposera sa vision du monde, la vision de son monde au plus grand nombre, parce qu’il ne saurait en être autrement. Voilà qui ne tolère aucune contestation. Voilà qui génère la peur.

     Pardonne-moi, Vladimir. Tu as peut-être, certainement même, vécu des choses horribles dans ta prime enfance, ton adolescence. Tu dois cacher bien des blessures profondes, des frustrations inassouvies, des amertumes jamais adoucies pour en arriver là. Ou tout bêtement, tu as peut-être connu une jeunesse heureuse, sans drames particuliers, sans profondes souffrances, sans grandes injustices. Une chose est sûre, tu as sans aucun doute d’excellentes raisons d’agir comme tu le fais. Tu dois posséder la panoplie complète du justicier vengeur qui veut montrer à tous ce que c’est qu’être dans la vérité et dans l’histoire. Tu dois sans aucun doute savoir parfaitement expliquer et justifier l’ensemble de tes actes. Tu dois sans doute comprendre la souffrance de celles et ceux, jeunes et vieux, petits et grands que tu anéantis pour convenances personnelles. Il est même à parier que tu en souffres toi-même et que tu les comprends. En fait, il suffit juste de te comprendre.
Et pendant qu’on y est, pardon Jair, pardon Kim, pardon Rodrigo, pardon Xi, pardon Bachar, pardon à tous ceux, petits et grands dictateurs semés aux quatre coins du globe, la terreur en bandoulière. La liste est si longue…
Si l’on dit que l’amour pardonne, se fait par don, difficile de pardonner. Sans imiter, sans répondre avec la même arme. Sans arme. Sans larmes, non plus.
La nouvelle page du même livre, qui se tourne doit s’écrire différemment. Si, si. Et chacune, chacun peut prendre sa plume et s’y mettre. C’est un acte de foi.

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