Logo litterature jeunesse09-septembre-1.jpg2022

Par ELLIE et Patrick LAGNEAU

Deltour cecile3    Lagneau patrick2

HECTOR ET LA LUGE

2022 09 lj1

Alors que Noël approche à grands pas et que le père Noël apportera bientôt ses jouets, Hector est ravi, bien sûr, mais aussi et surtout parce que son cousin Phil va venir passer les vacances chez lui.
Le lendemain de son arrivée, en se levant le matin, ils ont une belle surprise : IL A NEIGÉ! Pas une mince couche avec laquelle on ne peut même pas faire un bonhomme de neige, non, une vraie couche, bien épaisse, au moins vingt centimètres. Et ça, ce n’est pas arrivé depuis longtemps… en fait depuis l’hiver dernier… le cycle des saisons, quoi!
Pendant le petit-déjeuner, Hector et Phil échafaudent des plans pour la matinée… Sortir la luge, ça, c’est évident, mais partir dans la campagne à la recherche d’une belle pente, c’est ça le plus important…

— Eh bien, non, intervient Maman qui a suivi leur conversation. Phil n’a pas pris ses bottes en caoutchouc, et toi, Hector, tu n’en as qu’une paire… Alors il est hors de question que Phil aille dans la campagne en baskets avec toute cette neige.
    — Ben alors, on pourra aller dans le lotissement quand même
?

    — Oui, le chasse-neige est passé, mais je ne veux pas que vous fassiez de la luge sur la route…

    — Oh, Maman, tous les copains en font sur la route… ça descend super bien…

   — Non Hector, ça peut être dangereux. Si une voiture monte pendant que vous descendez, vous ne pourrez pas l’éviter. Le sol est gelé et la voiture ne pourrait même pas freiner. Alors non, pas de luge sur la route
! À la rigueur, vous pouvez chercher une petite pente aux abords du lotissement. Mais pas sur la route! Tu as bien compris, Hector? Toi aussi, Phil?

    — Oui, Maman.

    — Oui, Tata.


Hector et Phil s’habillent chaudement, enfilent leurs anoraks, leurs moufles en laine, Hector ses bottes en caoutchouc et Phil… ses baskets. Ils sortent la luge qui est rangée au fond du garage et s’éloignent de la maison en la tirant par une cordelette, à la recherche de la pente miracle.

En traversant le lotissement, ils voient les autres enfants qui filent, allongés à plat ventre sur leur propre luge, sur la fameuse route qui descend si bien… Ils les regardent quelques instants avec envie…

— On y va? dit Phil.
    
— Ben non, tu as entendu ce qu’a dit Maman.
    
— Oui, oui, je le sais. Quand je te dis «on y va», ça veut dire «on va ailleurs». On va bien trouver une pente quand même…
    
— Ouais, ben, je crois qu’il faut sortir du lotissement, parce qu’ici, en dehors de la route, il n’y a pas grand-chose…

Et Hector et son cousin s’éloignent en tirant leur luge à travers le quartier.

— Oh punaise! Regarde! dit Hector.

Phil tourne la tête vers l’endroit que fixe Hector et découvre une jolie pente enneigée qui démarre juste derrière une baraque de jardin en bois, accolée à une maison, jusqu’au bord de la route où ils se trouvent.

— C’est génial, dit Phil. Elle fait combien de long à ton avis?
    
— Au pif, je dirais au moins vingt mètres.
   
— Bon, c’est sûr, ça ne vaut pas la route du lotissement que descendent les autres…
    
— Ouais, mais c’est mieux que rien… Allez, on y va…

Et les deux cousins commencent à monter la pente à pied. Parvenu à la baraque de jardin en bois, ils se retournent et, un grand sourire aux lèvres, imaginent déjà la jolie descente qu’ils vont faire.

— Tu commences ou je commence? demande Phil.
    
— Tous les deux. On peut s’asseoir ensemble. Le poids fera aller la luge plus vite.

Phil s’installe donc à califourchon sur l’avant de la luge. Dès qu’il est en place, Hector appuie sur son dos pour le pousser et amorcer la descente. Dès que la luge commence à bien glisser, hop
! Hector saute et s’assoit derrière Phil. L’élan qu’il a donné au départ a bien propulsé la luge et voilà nos deux compères hilares au fur et à mesure qu’ils prennent de la vitesse.

Quelques secondes plus tard, parvenus au bord de la route, ils freinent avec leurs pieds et la luge s’immobilise.

— T’as vu, dit Phil, je crois qu’il y avait des poireaux qui dépassaient de la neige dans la descente…
    
— Bah, ce n’est pas grave, ils sont à moitié sous la neige. Ils doivent être gelés.
    
— Oui, c’est sûr! N’empêche qu’en descendant on en a quand même couché deux ou trois… En fin de compte la pente… c’était un jardin, non?… Tu ne crois pas?
    
— Attends, arrête de mouiller ton froc, les jardins en hiver, ils sont…
    
— HÉ, BANDE DE GARNEMENTS, ÇA VOUS AMUSE DE FAIRE DU TRAÎNEAU DANS LES JARDINS DES GENS?

Surpris, Hector et Phil se retournent et découvrent un vieux monsieur en pantalon et veste de velours avec de grosses bottes en caoutchouc qui est sorti de la baraque de jardin en bois et qui n’a, mais alors, pas du tout l’air content.

 — On se barre? dit Phil.
    
— Bah, je le connais. C’est le père Hoquet. On ne risque pas grand-chose vu son âge et ses grosses bottes. Ce n’est pas lui qui va nous courser, va, ajoute Hector en riant.

C’est à cet instant que le vieux monsieur fait un geste totalement incompréhensible pour les deux cousins : il se retourne, se plie légèrement et se donne une claque sur les fesses.

Incrédules, Hector et Phil cherchent à comprendre ce qu’il fait, ou ce que ce geste peut bien signifier.

— Je sais, dit Phil. Il veut nous dire que s’il nous chope, il nous filera une fessée…
    
— Mais il ne pourra pas nous rattraper, je t’ai dit. Trop vieux.

Mais Hector ressent ce geste bizarre comme une insulte. En réaction, il pose le pouce de sa main droite ouverte sur son nez, et commence à agiter les quatre autres doigts en direction du vieil homme.

— Ben, qu’est-ce que tu fous? demande Phil.
    — On appelle ça un pied de nez.

    — Pourquoi tu lui fais ça
?

    — Parce que
! Avec sa main aux fesses, il nous a manqué de respect. Alors un bon vieux pied de nez, ça lui remettra les idées en place. Allez, viens, c’est bientôt l’heure de manger.


Et les deux cousins repartent à la maison, toujours en tirant la luge par la cordelette.

Plus tard, alors qu’ils sont à table pour le déjeuner, Maman demande :

— Alors, c’était bien la luge? Tu n’as pas eu les pieds mouillés, Phil?
    — Non, non, Tata. Par contre avec la luge on a bien rigolé…

    — Ah, pourquoi

    
— On a descendu une pente, mais c’était un jardin. Oh, bien sûr, on ne voyait pas trop les légumes. Il y avait juste quelques poireaux qui dépassaient. On en a plié deux ou trois.

— C’est vrai, Hector?

Hector acquiesce de la tête sans un mot.

— Mais c’était quel jardin?
    
— Celui du père Hoquet… 
    
— On ne dit pas le père Hoquet, on dit Monsieur Hoquet…
    
— Mais Maman, tout le monde l’appelle comme ça…
    
— Hector… On dit Monsieur. Point.   
    
— D’accord, Maman, dit Hector en haussant les épaules.
    — Et il n’a rien dit, Monsieur Hoquet, que vous faisiez de la luge dans son jardin
?     
— Oh si, confirme Phil. Il a crié après nous et puis il s’est tapé sur les fesses, ajoute Phil hilare.
    
— Ah bon? Et que lui avez-vous dit, Hector
    
— Rien, Maman, répond Hector en baissant la tête.
 
 
— C’est vrai, Tata. On n’a rien dit, mais Hector lui a juste fait un pied de nez, ajoute Phil, écroulé de rire.
   — QUOI
? rugit Maman. Alors ça, c’est grave, Hector. C’est un manque de respect. Cet après-midi, tu resteras à la maison pour faire une punition. Tu me copieras cent fois «Je dois toujours respecter les personnes âgées.»

    — Cent fois
? répète Hector les yeux écarquillés.

    — Oui, Hector. Cent fois
!


Hector passe une partie de l’après-midi à recopier cent fois la phrase. Lorsqu’au bout de deux heures il a terminé, il montre la feuille.

— Ça y est, maman, j’ai fini. Je peux aller jouer?

Mais la punition ne s’arrête pas là.

Hector, la feuille à la main, celle où il a écrit cent fois la même phrase, est accompagné de sa Maman et doit montrer sa punition à Monsieur Hoquet.

Lorsqu’elle sonne chez lui et qu’il vient leur ouvrir, Maman lui explique pourquoi ils sont là et demande à Hector de lui montrer sa punition. Le vieil homme y jette un coup d’œil en grognant, puis se retourne et referme la porte en haussant les épaules.

Maman n’est pas très contente de cet accueil. Mais ce qu’elle ignore, c’est que Monsieur Hoquet ne sait pas lire.

Hector est rentré à la maison avec Maman un peu dépitée.

Malgré tout, la leçon marquera Hector pour longtemps.

Il n’a plus jamais manqué de respect aux personnes âgées.

Ni à personne d’autre d’ailleurs.

                                                      2022 09 lj2

Bas retour page precedenteBas pp mensuel d

Lectures de cette page
web counter

Ajouter un commentaire